Parlons-en ! (L’Echo – 04/04/2014)

Entre 2004 et 2012, la Belgique a vu sa consommation d’antidépresseurs gonfler de 45 % et, pour la seule année 2012, l’INAMI a dépensé pas moins de 140 millions d’euros pour ces pilules. S’il est admis que les antidépresseurs constituent la pierre angulaire du traitement de la dépression sévère, leur utilité dans le traitement de dépressions plus légères ou des troubles de l’adaptation est plus que discutée.

De nombreuses études ont en effet montré que dans ces types de situations, une psychothérapie adaptée permettait d’obtenir des bénéfices semblables à ceux d’une pharmacotherapie, mais qui de surcroît s’inscrivent dans la durée et ne s’accompagnent pas d’effets secondaires. D’autres études basées sur l’imagerie cérébrale fonctionnelle montrent par ailleurs des modifications positives de l’architecture cérébrale après plusieurs sessions de psychothérapie. Enfin, si la psychothérapie a prouvé son efficacité, il a été montré que ses bénéfices apparaissent supérieurs lorsque celle-ci est dispensée par une personne adéquatement formée. Il ne s’agit donc pas d’épancher ses déboires journaliers auprès du premier quidam venu, mais bien de suivre un traitement administré par un professionnel reconnu.

Il est dommage de constater que malgré les évidences croissantes concernant l’efficacité de ce type de traitement, le système de soins de santé Belge n’offre guère un accès adéquat à celui-ci. En effet, les centres de santé mentale affichent des listes d’attentes interminables et les psychothérapeutes privés sont souvent hors de prix. En outre, il est regrettable d’observer que le master en psychologie, tel qu’organisé actuellement, ne permet pas nécessairement aux étudiants d’acquérir les compétences pour devenir de bons psychothérapeutes. Le cursus actuel est en effet axé sur l’acquisition de connaissances parfois très théoriques telles les statistiques, ce qui freine de nombreux étudiants. De plus, l’obtention d’un diplôme de master en psychologie ne fait pas de vous un psychothérapeute pour autant. Enfin, ces formations sont morcelées entre les différentes écoles, ce qui rend une reconnaissance officielle difficile. Nous proposons de repenser la formation selon un système en 4 années + 2 : les quatre premières années seraient axées sur l’acquisition des bases théoriques, suivies de 2 années de stages comme assistant en psychothérapie dans un centre reconnu. L’étudiant disposerait ainsi d’un total de 6 années pour acquérir les compétences d’un psychothérapeute.

L’absence de remboursement par l’INAMI d’une psychothérapie est à l’évidence un élément dissuasif pour les patients. Nous proposons ainsi qu’un système de remboursement similaire à celui des soins de kinésithérapie soit introduit. De cette façon, un patient présentant des troubles modérés de l’humeur pourrait se rendre chez son médecin généraliste et se voir prescrire quelques sessions de psychothérapie partiellement remboursées en lieu et place d’antidépresseurs. Cette réorganisation du système permettrait de désengorger les listes d’attentes, de réduire l’usage d’antidépresseurs et d’assurer au patient une meilleure prise en charge.

Nous pensons ainsi qu’il est essentiel de repenser les soins relatifs aux maladies mentales en Belgique. Nous suggérons à ce titre une réorganisation de la formation en psychothérapie, un accès plus aisé au traitement par un remboursement partiel de celui-ci et une plus grande reconnaissance de la profession et de la formation. Les psychothérapeutes pourraient alors davantage seconder nos psychiatres actuellement très sollicités et assurer une prise en charge plus adéquate pour de nombreux patients.

La réduction dans la consommation d’antidépresseurs, outre ses effets directs en matière de coûts, offre de nombreux bénéfices indirects. Par ailleurs, il y a fort à parier qu’une meilleure prise en charge réduise les jours d’absence pour raison médicale. Il semblerait bien qu’à la fin tout le monde y gagne !