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Une autre histoire de l’avenir

Dans la mythologie grecque, le Chaos est le stade sombre et anarchique où tout est possible puisque rien n’existe. Une phase où l’imaginaire est plus que jamais nécessaire pour s’extraire du quotidien et écrire la suite du récit. En voici une.

Le chaos comme renaissance

Souvenez-vous : c’était en 2020, l’épidémie du Covid-19 expose au grand jour les fragilités de tout un système, ainsi que de nos vies quotidiennes. Du jour au lendemain, tout ce que l’on prenait pour acquis part en fumée. Il n’est bientôt plus possible de se raccrocher aux vestiges de ce que, déjà, on rebaptise l’ancien monde. Avec le Titanic, ce sont des millions de passagers qui laissent sombrer habitudes et existences révolues. S’il est parfois difficile de garder espoir dans nos phases les plus sombres, l’Histoire montre pourtant que d’elles seules émergent le changement.

Changement de cap

2021, l’heure est aux remises en question. Si la crise sanitaire avait bien révélé une chose à l’époque, c’est l’interdépendance des enjeux économiques, écologiques et sociaux ; espérer en sortir en se fiant au seul PIB semblait donc illusoire, voire risqué. Dans la rue, les protestations de plus en plus vives de la population suffisaient à en attester.

Pionnière, la maire-adjointe d’Amsterdam ose un pari : faire de la crise une opportunité de changer de cap. Dès avril 2020, elle adopte le modèle du « doughnut » de l’économiste Kate Raworth, résolue à devenir en dix ans une économie pleinement circulaire et solidaire. A l’autre bout du monde, la première ministre de Nouvelle Zélande signait quant à elle un « Budget bien-être » inspiré du Bonheur National Brut né au Bhoutan.

« Le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, » disait Kennedy en 1968, questionnant déjà une mesure qui croît à l’augmentation des crimes, divorces et pollution faisant tourner la machine économique, et ne reflète que peu finalement l’état d’une société. Cinquante ans plus tard, des enjeux de taille exigeaient d’innover.

De l’individu

2025, le monde redevient un vaste chantier d’expérimentation. Au plus proche des défis, la société civile ré-imagine et retisse les liens humains d’une société effilochée ; vivier d’innovation sociale dans lequel viennent aujourd’hui puiser des politiques à court d’idées. Monnaies locales, économie d’échange, technologies open-source et plateformes collaboratives tirent dans l’entraide et la coopération une résilience nouvelle face aux chocs.

Au fil des ans, les entreprises se révèlent elles aussi motrices de changement. Le mouvement « B corp » né au début du siècle devient la norme, qui intègre l’humain et l’environnement dans le business plan. Pression des consommateurs, contraintes politiques et raréfaction de ressources auront certainement précipité cette évolution. Mais cela ne serait rendre justice aux nombreux dirigeant(e)s devenus de vrais leaders ces dernières années en se détachant du seul profit afin de concilier leur action dans le monde à leurs valeurs profondes.

Tout se transforme

Bruxelles, 2040. En vingt ans, l’ensemble du continent européen s’est métamorphosé. D’une économie linéaire et extractive, une nouvelle ère est née, régénératrice et circulaire, où chaque matériau est continuellement réutilisé. Les villes sont elles aussi méconnaissables : architecture en symbiose avec la nature, façades conductrices d’énergie solaire, mobilité douce et agriculture urbaine ré-ensauvagent le paysage.

Pour la première fois de l’Histoire, le travail aujourd’hui n’est plus nécessité vitale : versé de façon inconditionnelle, le revenu universel permet à chacun de pallier à ses besoins et prendre le temps de développer ses talents. S’il n’a pas changé la vie de tous, il aura du moins aidé à résorber tensions sociales et inégalités. Affranchie des stigmas du chômage, l’allocation encourage aussi les transitions, de plus en plus nécessaires dans un monde en constante mutation.

Et demain ?

Naviguer en des mers incertaines demande de garder un cap tout en s’adaptant continuellement aux aléas du courant. Cela demande également des efforts constants d’imagination, et quelques individus assez fous pour oser écouter leur cœur, et tendre vers l’impossible.

A la veille de l’abolition de l’esclavage ou du suffrage des femmes, une majorité certainement n’y croyait pas. C’est pourtant parce que d’autres y croyaient que, dès le lendemain, des utopies devenaient réalité.