Make politics boring again
Avec la personnification croissante, la politique tend de plus en plus vers le divertissement. Les partis et les médias ont tendance à s'intéresser davantage à la vie privée des politiques qu'aux questions fondamentales.
Alors que la Belgique est confrontée à de graves problèmes — budget et enseignement, asile et migration, énergie et climat, pensions et accueil des enfants — on pourrait s'attendre à ce que nos responsables politiques témoignent d'un peu plus de sérieux sur le plan professionnel, de même que d'un certain sens de l'urgence. Mais depuis peu, la vie privée des politiciens apparaît plus digne d'intérêt que les actes politiques pour lesquels ils sont élus et payés.
La rue de la loi est, en effet, devenue le théâtre d'un spectacle où la recherche de la popularité éclipse la conclusion d'accords politiques durables. De nombreux politiciens de premier plan font désormais des apparitions dans des émissions de chant et de danse, apparaissent dans l’univers de la télé-réalité, se déguisent en panda, en lapin ou en drag queen et révèlent des détails intimes sur leur vie familiale dans des magazines ou via les médias sociaux.
Perte d'influence politique
Les hommes politiques qui ouvrent ainsi grand la porte à leur vie privée risquent de voir cette stratégie se retourner contre eux. Plusieurs présidents de partis et ministres flamands en ont fait l'expérience ces derniers mois.
Ce faisant, les hommes politiques camouflent surtout leur impuissance. Avec le déclin du centre sur l’échiquier politique et l’effet loupe des médias sociaux, les partis ne peuvent plus ou n'osent plus faire de compromis. Et c'est donc le statu quo qui prévaut.
Parallèlement, dans un monde où l'influence d'organismes internationaux tels que le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne s'accroît, les hommes politiques nationaux ont de moins en moins leur mot à dire. Nos hommes politiques se concentrent donc sur leur personnalité, sans se soucier de la perte de leur influence politique…
Image de marque
Cette personnification à outrance entraîne une évaporation du contenu politique, négligeant l'importance de la véritable politique au profit de la bataille des "likes" et des "reposts". Par leur présence dans les médias de divertissement et sur les réseaux sociaux, les hommes politiques espèrent donner une impression de proximité et d'humanité, mais au lieu de combler le fossé entre les citoyens et la politique, ils le creusent au contraire. Le fait de brouiller la frontière entre la politique et le divertissement crée, en effet, un écran de fumée qui occulte les questions politiques.
Les citoyens peuvent dès lors en venir à considérer les hommes politiques comme des "gens ordinaires", tout en étant désillusionnés quant à leur capacité à apporter des changements substantiels. La tentative de se montrer authentique se fait ainsi aux dépens de la confiance dans la politique pour trouver des solutions efficaces aux problèmes. Cela alimente évidemment les extrêmes des deux côtés de l'échiquier politique.
Nous avons donc besoin de recalibrer notre système politique pour le rendre plus digne, plus sobre, et peut-être même un peu plus ennuyeux. Les hommes politiques devraient être davantage conscients du caractère sérieux de leur fonction. Ils devraient adopter une attitude plus professionnelle et donner la priorité aux questions politiques, aux solutions pragmatiques et à la création de coalitions pour les mettre en œuvre.
Rester terre-à-terre
Une politique ennuyeuse n'est pas nécessairement dénuée de relief. Elle fournit un cadre pour un dialogue plus sincère entre la rue de la Loi et la rue du village, dans lequel les hommes politiques pourront continuer de recruter et rester une source d'inspiration.
La proximité réelle exige bien plus que des petites phrases, des solutions rapides et un peaufinage de l'image. Les électeurs ne veulent pas tant d'un nouveau personnage médiatique que de personnes capables de résoudre les problèmes de manière décisive et dotées de leadership.
Rester terre-à-terre et ne pas céder au sensationnalisme constitueraient une assise solide pour mener une politique respectueuse et constructive, grâce à laquelle nous pourrions relever collectivement les défis auxquels notre société est confrontée.