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Un « gouvernement pivot » pour lutter contre l’immobilisme politique

Moins de deux ans après la chute de Charles Michel Ier, il semble que la coalition Vivaldi ait pris son envol. Ce n'est pas trop tôt : avec plus de dix mille décès dus au covid, un déficit budgétaire de 53 milliards d'euros et des dizaines de milliers de licenciements imminents, notre pays est confronté à l'un des plus grands défis de son existence.

Le prochain gouvernement fédéral devra prendre toute une série de mesures drastiques pour contenir davantage la pandémie de covid, réduire le déficit budgétaire et sauver le marché du travail belge d'un scénario catastrophe qui verrait quelque 150 000 à 200 000 citoyens perdre leur emploi. Toutefois, pour venir à bout de cette mission, il devra s'armer contre un certain nombre d'obstacles majeurs qui compromettent ses chances de succès : les tensions actuelles entre les gouvernements régionaux et fédéraux, l'éternel court-termisme et le manque d’imagination politique.

Au sein des partis de la coalition Vivaldi, les tensions sont palpables, et promettent bien des blocages. L'asymétrie entre les différents niveaux de pouvoir génère déjà d’innombrables problèmes politiques. Un climat économique instable associé à un électorat inconstant contribue à l’aversion des décideurs politiques pour la prise de risques. Alors qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous devons tordre le cou à tous les tabous et réinventer notre pays.

C'est pourquoi il semble intéressant que le prochain gouvernement fédéral soit assisté pendant au moins 24 mois par un « gouvernement pivot » composé de technocrates, de ministres d'État, d'entrepreneurs et de jeunes faiseurs de changement. Durant la première phase de la législature, celui-ci assisterait le gouvernement fédéral et établirait une « Pax Corona » entre les différents gouvernements. De cette manière, il empêcherait le sabotage ou le retardement du plan de relance socio-économique belge par des antagonismes communautaires et idéologiques. Ce « cabinet pivot » serait ensuite dissout lors de la deuxième phase de la législature, ce qui permettrait aux partis au pouvoir de laisser leur marque sur la politique à l'approche des prochaines élections.

Ce cabinet pivot n'aurait aucun pouvoir de décision, mais pourrait esquisser l'accord de gouvernement. Un accord avec des objectifs clairs en matière de mobilité, soins de santé, climat, énergie, marché du travail et d’économie, établi par des experts au-dessus du champ de bataille politique et indépendants des intérêts particuliers ou des électeurs. Cela permettrait au gouvernement actuel de se protéger en invoquant un accord de coalition neutre, élaboré par des acteurs largement soutenus par tous les segments et tous les secteurs de la société, et d’oser prendre les mesures nécessaires, de grande envergure. Les équipes gouvernementales précédentes étaient invariablement paralysées par les critiques de leurs propres électeurs. Résultat : nous vivons depuis des décennies dans un pays statique où l'éternel statu quo domine et où tout progrès est tempéré par des décideurs politiques et des groupes d'intérêt uniquement motivés par leur propre survie.

En outre, ce gouvernement pivot doit impérativement donner la parole à des acteurs jeunes, entreprenants et créatifs. Il va sans dire que la génération actuelle de dirigeants manque de créativité. Au cours des six derniers mois, peu d’idées et de recettes innovantes pour sortir de la crise du covid et réinventer notre pays ont été proposées. C’est pourquoi nous ferions bien de ne pas impliquer uniquement des ministres d'État et des personnalités du monde des affaires, mais aussi la jeune génération de pionniers et de faiseurs de changement issus de la société civile, du secteur des soins, de la technologie et des start-up, de l'art et de la culture, qui ne sont pas enchaînés à des intérêts de parti, à des visions idéologiques rigides et à des cadres de pensée dépassés.

Nous ne pouvons combattre la plus grande crise de l'histoire nationale depuis la Seconde Guerre mondiale et l'éternel immobilisme belge qu'en gelant temporairement toutes les différences communautaires et idéologiques et en écartant la pensée à court terme. En combinant la créativité, l'énergie et l'ambition débridée d'une jeune génération avec des valeurs établies, nous pouvons jeter les bases d'une nouvelle Belgique dynamique, résistante et entreprenante !