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Dossier 'Emergence': One Health et sens de la nuance: comment lutter contre une nouvelle pandémie

Pendant le confinement, le Groupe du Vendredi a mené une enquête auprès de jeunes adultes belges (25-35 ans) sur leur vision de la société post-corona. Chaque vendredi de cet été, un membre du groupe aborde plus en détail un des sujets de l’enquête. Aujourd’hui : One Health pour l’homme, l’animal et l’environnement.

Ceux qui n’ont pas encore fait le lien entre la crise du corona et la destruction de notre cadre de vie[1] constituent une minorité. L’enquête sur la société post-corona que nous avons menée auprès de jeunes adultes révèle que pas moins de 70 % d’entre eux demandent des efforts supplémentaires pour protéger la nature. Si nous semblons avoir pris conscience du lien entre dégradation de l’environement et crise sanitaire, ainsi que de la nécessité d’agir, la question essentielle est toutefois de savoir si les choses vont réellement changer : le commerce des espèces sauvages, tant légal que sur le marché noir, est plus florissant que jamais, et l’industrialisation de l’élevage se poursuit à un rythme effréné. Nous n’avons pas tiré les leçons du passé, tant s’en faut : le SARS-CoV-2 est déjà le troisième coronavirus[2] qui provoque une épidémie majeure en 16 ans à peine. Selon les estimations, la faune abrite encore quelque 1,67 million de virus inconnus, dont plusieurs milliers de coronavirus[3].

Plus de 60 % des répondants à notre questionnaire établissent également un lien entre le lourd bilan provoqué par le virus et le manque d’investissements dans la prévention des maladies. Il est en effet rapidement devenu évident que des maladies sous-jacentes, telles que l’obésité, augmentaient considérablement le risque d’hospitalisation et de mortalité imputable au COVID-19. Ce n’est pas une surprise : voilà des années que les experts soulèvent le problème, et c’est pour cette raison d’ailleurs que j’ai décidé l’année dernière de raccrocher mon stéthoscope[4]. Pourtant, ce ne sont pas les recommandations qui ont manqué dernièrement[5]. Il revient aux politiciens de transposer celles-ci dans une politique résolue englobant plus que la seule espèce humaine : la santé des êtres humains, de l’environnement, mais aussi des animaux, doit être perçue comme un tout. Cette approche, appelée One Health, est taillée sur mesure pour Sciensano, l’organisme de recherche fédéral dans le domaine de la santé[6].

Précisions scientifiques élémentaires

À la lumière de ces deux informations claires, on pourrait affirmer, avec la prudence qui s’impose, que ce groupe des 25-35 ans a relativement bien résisté au tandem pandémie-désinformation. Il reste cependant à savoir comment le reste de la population a ressenti la déferlante de théories du complot et de manchettes sensationnelles. Mieux vaut une certitude de façade qu’une incertitude de bonne foi, tel semblait être l’adage : les médias traitent d’études scientifiques avant même leur examen par des pairs, semblent ignorer le concept d’évolution des connaissances, et ne prennent pas la peine d’expliquer la différence entre un virologue (celui qui étudie le virus au microscope), un infectiologue (celui qui traite le patient atteint du COVID-19) et un épidémiologiste (celui qui analyse le comportement du virus au sein de la population). Tout le monde se voit en effet affublé par paresse du titre de « virologue », créant ainsi le sentiment qu’un « virologue » contredit une autre « virologue » dans l’heure, alors que cette dernière est en réalité épidémiologiste et que son cadre de travail – et, partant, sa vision des choses – diffèrent énormément.

Cette confusion dans la communication est favorisée par le manque d’accès aux informations scientifiques. Le fait que pas moins de 77 % de nos répondants estiment qu’il devrait être obligatoire de communiquer ouvertement et gratuitement les résultats de la recherche scientifique constitue toutefois un signe encourageant. Cette discussion est menée depuis des années par le mouvement dit Open Access[7], lequel soutient à juste titre qu’il est absurde que la recherche s’abrite derrière des murs payants alors qu’elle est financée par l’argent des contribuables. La Commission européenne a pris depuis 2012 des mesures qui vont dans le bon sens[8], mais le pouvoir démesuré détenu par une poignée de grands éditeurs freine toute évolution.

En mettant l’accent, d’une part, sur la prévention dans une optique One Health, et, de l’autre, sur une communication plus nuancée et plus complète (via Open Access) par les scientifiques et les médias, nous serons, espérons-le, mieux à même de faire face à un prochain cocktail désinformation-virus-pandémie.

[1] https://amp.theguardian.com/world/2020/jun/17/pandemics-destruction-nature-un-who-legislation-trade-green-recovery

[2] https://www.cdc.gov/coronavirus/types.html

[3] https://e360.yale.edu/features/before-the-next-pandemic-an-ambitious-push-to-catalog-viruses-in-wildlife

[4] https://www.knack.be/nieuws/belgie/na-13-jaar-ben-ik-van-plan-om-de-geneeskunde-vaarwel-te-zeggen-ik-wil-geen-dokter-meer-zijn/article-opinion-1451199.html

[5] https://www.standaard.be/cnt/dmf20200623_04999395

[6] https://www.sciensano.be/fr/sujets-sante/one-health

[7] https://openaccess.be/

[8] https://ec.europa.eu/research/openscience/index.cfm?pg=openaccess

[7] https://openaccess.be/

[8] https://ec.europa.eu/research/openscience/index.cfm?pg=openaccess