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Dossier 'Emergence': Les politiques de soutien aux PME face à la crise sanitaire : « business as usual » ?

Pendant le confinement, le Groupe du Vendredi a mené une enquête auprès de jeunes adultes belges (25-35 ans) sur leur vision de la société post-corona. Chaque vendredi de cet été, un membre du groupe aborde plus en détail un des sujets de l’enquête. Aujourd’hui : l’économie.

Les PME constituent le cœur névralgique de notre économie. Disposant de liquidités plus faibles que celles des grandes entreprises, nombre d’entre elles rencontrent des difficultés majeures pour traverser la crise actuelle. Les jeunes (25-35 ans) que nous avons interrogés soutiennent un rôle plus actif de l’Etat dans l’économie en cette période de crise sanitaire : près de 55% d’entre eux souhaitent voir le gouvernement stimuler la production et la consommation pour revenir le plus vite possible aux niveaux d'avant la crise. 58% estiment que les travailleurs indépendants doivent bénéficier du même filet de sécurité économique que les employés. Toutefois, les politiques de soutien aux PME ont souvent été en port-à-faux avec certains objectifs macroéconomiques. La crise actuelle risque de ne pas changer les choses, et apelle des solutions.

Définition floue

Un groupe d’experts ad hoc a été mis en place à l’échelon national afin d’offrir des solutions aux PME dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons. Malgré cela, le problème de la polysémie de la définition des PME demeure. « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du Monde » jugeait Albert Camus. Bien avant la crise du COVID-19, de nombreuses mesures de soutien aux PME étaient trop globales, avec un ciblage flou et ambigu, ne permettant pas d’exclure les entreprises qui n’avaient pas du tout besoin de support public. Force est de constater que la crise actuelle ne change pas la donne.

A titre d’illustration, l’administration Trump a publié début juillet la liste des entreprises bénéficiaires de ses mesures de soutien : on y retrouve de nombreux cabinets de conseil politique et des agences de lobbying, voire même des écoles privées telles que la St. Ann's School de New York. Le ciblage est donc sujet à question. De par le fait qu’elles ont moins de chance d’entretenir une certaine promiscuité avec les hauts fonctionnaires ou les décideurs politiques, les PME ont en effet une probabilité considérablement réduite de se voir concéder quelque avantage que ce soit.

Évaluation et performance

Par ailleurs, l’absence d’une culture rigoureuse d’évaluation des politiques publiques dans notre pays renforce la dynamique sans fin du creusement du déficit public. La perte est double : impossibilité de tirer les leçons des recettes politiques qui marchent bien et moins bien, et absence d’incitants à mettre en place des politiques orientées vers des résultats spécifiques. Alors que la charge de la dette est déjà d’environ 11 milliard par an - ce qui équivaut en moyenne au budget dédié à l’enseignement francophone en Belgique - les vannes publiques demeurent largement ouvertes. Même si des dépenses publiques sont essentielles pour éviter un effondrement de notre tissu économique qui coûterait encore plus cher à notre société, l’absence d’évaluations ex-post et systématiques des mesures mises en œuvre encourage les pouvoirs exécutifs de notre pays à poursuivre des dépenses à tout-va sans courir le risque de se voir reprocher des résultats mitigés.

Deux recommandations peuvent être formulées. Tout d’abord, une définition politique et statistique unique pour les PME en Belgique calquée sur la définition européenne de 2003 – à tous les échelons de pouvoir - avec l’obligation d’utiliser celle-ci dans les mécanismes de soutien. En 1998, l’Agence pour la Simplification administrative s’était déjà vue octroyer la mission de « formuler des propositions concrètes pour l’utilisation généralisée d’une définition uniforme afin de mieux cibler la politique spécifique en faveur des PME », et ce sans résultat face à la complexité de la tâche. La crise actuelle peut se révéler être l’occasion idéale d’enfin pallier l’absence de définition commune. Deuxième préconisation : offrir des évaluations systématiques des politiques de soutien aux PME en commençant par (i) publier les données relatives aux entreprises bénéficiaires d’aide publique et par (ii) mettre en place des comités d’évaluation dans chaque service public afférent aux PME, qu’il soit régional ou fédéral. C’est à ce prix-là que notre économie et ses PME deviendront plus résilientes et surtout mieux soutenues par les pouvoirs publics en période de turbulence économique.