Débattre : la clé d’un meilleur avenir pour les jeunes
À chaque leçon que je donne à mes ados bruxellois adorés, je vois bien que la maitrise de la langue les embarrasse souvent au point qu’ils s’abstiennent de prendre la parole en classe. Une élève de onze ans demande, d’un ton incertain, ce que signifie le mot « pertinent », un autre me dit « je vais au coiffeur ». Ces mêmes jeunes me disent que parler un langage correct avec leurs amis leur donne peu de crédit. On obtient plus de respect avec un langage dur et simple.
Ces adolescents me racontent aussi leurs rêves d’avenir. Leur future maison avec jardin, le métier qu’ils exerceront plus tard. Beaucoup veulent devenir médecins ou, plus précisément, pédiatres. D’autres se voient architectes, joueurs de football ou enseignants. Malheureusement, la réalité est souvent tout autre. Sur le chemin de l’âge adulte, malgré l’ambition et la curiosité, de nombreux rêves sont mis de côté.
Une bonne capacité à communiquer semble être une des clés pour enrayer cette logique, et pourtant, nous ne parvenons pas à aider nos jeunes sur ce terrain. Les rapports sur l’éducation qui recensent une baisse de niveau en compréhension à la lecture et à l’écoute s’accumulent en Belgique. Le nombre croissant d’élèves qui parlent une autre langue à la maison peut être un facteur explicatif. En cinq ans environ, la communication a par ailleurs considérablement évolué. Il est difficile de convaincre avec deux émoticônes ou le langage des SMS. Et si apprendre à débattre pouvait désamorcer cette spirale négative ?
De l’importance de bien communiquer
Il semble clair que les chances de réussites dans la vie sont indissociables d’une bonne maîtrise de la langue. Selon une étude réalisée par le Nationaal Expertisecentrum leerplanontwikkeling (centre national d’expertise pour l’élaboration des programmes scolaires) aux Pays-Bas, le débat encourage la réflexion critique et la prise en compte des idées nouvelles. Il aide les jeunes à accepter plus facilement la critique et à comprendre les caractéristiques d’un processus de prise de décision démocratique. Et pour cause : le débat est inextricablement lié à la liberté d’expression, à la confrontation, à la contradiction et au règlement pacifique des conflits.
L’étude menée par l’Education Development Trust (fondation pour le développement de l’éducation), pour sa part, montre que les garçons afro-américains qui font partie d’un club de débat ont 70 % plus de chances de terminer leurs études secondaires que leurs pairs. Ces élèves obtiennent également des résultats considérablement supérieurs en anglais et en lecture.
Apprendre à débattre, comme les Grecs et les Anglo-Saxons
Ils ne le savaient que trop bien dans l’Antiquité classique. La rhétorique y tenait une place centrale dans l’éducation, aux côtés de la logique et de la grammaire. Chez les Grecs, ceux qui avaient reçu une éducation étaient censés participer à la vie en société et au débat politique. Plus proche de nous, la discipline est toujours incontournable dans l’enseignement anglo-saxon. En Angleterre et aux États-Unis, chaque établissement d’enseignement qui se respecte compte un club de débat, et organise d’ambitieux concours d’éloquence.
Debateville
A la recherche d'un levier pour rendre nos jeunes plus éloquents et plus confiants dans la vie, nous avons lancé Debateville, des groupes de débat extra-scolaires. De façon ludique, les jeunes de 12 à 15 ans apprennent à se forger une opinion, à construire une argumentation ou à faire un discours devant leurs pairs. L’espace d’un après-midi, ils s’imaginent être Obama ou tout autre idole et osent d’autant plus exprimer leurs convictions et confronter leurs idées. Jamais je ne les ai vus autant apprendre tout en s’amusant.
Nous utilisons des règles simples : permettre à chacun de parler, respecter le rôle du modérateur, ou se féliciter à la fin du débat. Cela favorise la discipline. On évite de telle sorte que le débat ne dégénère en cris ou renforce les oppositions. Avec son aspect interactif et sa dimension compétitive, le débat amène les jeunes à se sentir impliqués – bien plus qu’avec un traditionnel exercice d’écriture individuelle.
Si parler en public et débattre peuvent être des moyens de renforcer les compétences linguistiques de nos élèves, il en est de même pour leurs qualités humaines. Lorsque les jeunes peuvent faire entendre leur voix de manière nuancée, un dialogue vivant devient possible, de même qu’un avenir riche en projets ambitieux. Quel que soit leur milieu d’origine et la langue qu’ils parlent à la maison, tout redevient possible.