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Piqûre de rappel contre les inégalités dans l’enseignement

Malgré de nombreuses initiatives politiques, le fossé en matière d’égalité des chances dans l'enseignement belge n'a toujours pas été comblé. À l'occasion de la Journée internationale de l'éducation, le 24/01, le Groupe du Vendredi plaide pour une piqûre de rappel de l’inégalité des chances dans l’enseignement belge. Le groupe se retrousse également les manches et lancera prochainement des propositions visant à combattre les inégalités scolaires tout en améliorant la qualité générale de l'enseignement.

C’était comment, pour vous, l’école ? Avez-vous obtenu de l'aide lorsque vous en aviez besoin ? Qu'attendaient de vous, vos parents et professeurs ? Issus d’horizons divers, nous nous sommes posé ces questions au sein du Groupe du Vendredi.

Certains d'entre nous nageaient comme des poissons dans l’eau scolaire, et on nous a donné confiance en l’avenir.

« Mes parents sont tous deux enseignants et ils étaient très impliqués dans la vie de l’école. J'ai donc toujours été bien informé de ce qui s’y passait. À la maison, on m’encourageait également au dialogue avec les enseignants et la direction. »

« Lors de mes dernières années d’humanités, nos professeurs nous décrivaient régulièrement comme 'la crème de la crème du pays'. Pour nous, tout était possible. »

Cependant, nous n’avons pas tous bénéficié de ces mêmes encouragements.

« Mon premier jour dans ma nouvelle école a été une véritable douche froide. Tout d'abord, j’ai fait l’objet d'une heure d’évaluation car, bien que j’en ai l’âge, les enseignants ne croyaient pas que je puisse déjà être en troisième année. Peu après, un camarade de classe me heurta en jouant au football et se mit à pleurer. Mon nouveau professeur m'a traité de ‘crapule’ devant tout le monde. Sa présomption, sans fondement, était que j'avais été renvoyé de mon ancienne école. »

« Dans notre collège, la règle tacite était très simple. Si vos parents n'étaient pas belges, en cas d’échec, vous ne pouviez pas doubler. S'ils l'étaient, vous pouviez doubler une ou deux fois. »

Face aux obstacles ou au doute, certains d'entre nous recevaient des coups de pouce.

« Petit, je zézayais. Ma mère finissait son travail plus tôt pour m'emmener chez le logopède. Ensuite, j'ai eu du mal en maths. Ma mère a cherché le meilleur professeur particulier qu'elle puisse trouver, il habitait à 40 minutes de chez nous et ses cours n'étaient pas bon marché. Mais cette année de cours particuliers m'a permis de réussir. »

« Lorsque j'ai dû choisir une orientation universitaire après mes secondaires, j’ai bénéficié grâce à mes parents d’un incroyable réseau d'adultes compétents et aux carrières passionnantes, qui étaient prêts à réfléchir avec moi, à me proposer un stage dans leur entreprise ou à relire mes lettres de candidature. »

Pour d'autres parmi nous, trouver du soutien était moins évident.

« En secondaires, l’un des amis était, comme moi, fils d'immigrés et surtout, excellent élève. Mais il considérait qu'aller à l'université était prétentieux, ce n’était « pas pour lui », et craignait une réaction négative de la part de ses parents. Pour finir, il s'est tout de même inscrit à une formation courte, mais a manqué le début de l'année suite à un problème médical. Il n'a jamais repris ses études. »

Nos histoires croisées illustrent une vérité dérangeante : en matière d'égalité scolaire, la Belgique figure parmi les plus mauvais élèves des pays de l’OCDE. La différence de niveau entre les écoles est élevée, tout comme le risque, en tant que jeune défavorisé, de déraper ‘en cascade’ et de se retrouver, par défaut, dans l'enseignement spécialisé. En effet, la fameuse ‘cascade’ de notre système éducatif amplifie encore les inégalités sociales. Alors que plus de 8 jeunes défavorisés sur 10 se trouvent dans l’enseignement technique ou professionnel, plus de 8 jeunes sur 10 parmi les plus privilégiés suivent l’enseignement général.

Qu’il s’agisse du système éducatif néerlandophone ou francophone, plusieurs initiatives politiques ont déjà été prises pour combler le fossé en matière d’égalité des chances, avec plus ou moins de succès. Mais au fil des années, une ‘fatigue de l'inégalité’ semble s’être installée dans l’opinion publique. Plus problématique encore, est le lien que certains établissent entre les mesures destinées à améliorer l'égalité en matière d'éducation et la baisse générale des performances dans l'enseignement belge. Et ce, bien que les recherches en la matière et les comparaisons avec l'étranger démontrent qu’inégalité ne veut pas nécessairement dire moins de qualité, au contraire. Alors que les experts de l’enseignement ne cessent d’insister sur des mesures (plus) ambitieuses, le scepticisme du grand public mène à un soutien limité, comme l’illustre le débat sur le raccourcissement des vacances d'été en Flandre.

Toutefois, dans un contexte où dans certaines grandes villes belges, jusqu'à 40% (!) des enfants grandissent dans un milieu défavorisé, ne confondons pas faits et opinions. Un système éducatif dans lequel les performances scolaires sont indépendantes du milieu socio-économique garantit une meilleure mobilité sociale, un marché du travail plus résilient et plus de prospérité mieux partagée. Puisse la Journée internationale de l'éducation être, cette année, l'occasion d'une piqûre de rappel pour une plus grande égalité en matière d'enseignement. Le Groupe du Vendredi se retrousse déjà les manches et lancera prochainement des propositions concrètes visant à combattre les inégalités scolaires tout en améliorant la qualité générale de l'enseignement.

Publié le 28 janvier 2022 dans l'Echo