Quoi de neuf Docteur ? (L’Echo – 22/01/2014)

Roxane van Heurck, lauréate du Prix l’OREAL UNESCO for Women in Science, fait un doctorat en génétique du neurodéveloppement à l’ULB et est membre du Groupe du Vendredi

Dans le domaine en pleine expansion de la génétique de nombreuses choses sont en mouvement. Sans être exhaustive, les avancées technologiques permettent aujourd’hui de prendre connaissance de l’ensemble de notre matériel génétique. La proportion de cancers familiaux auxquels on attribue une prédisposition génétique prend une part grandissante et leur compréhension ainsi que leur prise en charge ne cesse d’évoluer. Nous sommes nombreux à avoir suivi l’histoire du cancer du sein d’Angelina Jolie et son ablation mammaire. Cette histoire a soulevé les mêmes questions chez de nombreuses femmes pour lesquelles plusieurs cancers du sein ont été diagnostiqués dans leur famille : le risque génétique justifie-t-il un intervention chirurgicale préventive ? Plus récemment faisant polémique, le test prénatal non invasif (NIPT), et les considérations éthiques qui suivent la mise en place de ces nouvelles technologies, en somme l’intervention humaine directe dans la sélection de l’espèce.

Toutes ces problématiques ont pour point commun de pouvoir trouver réponse au cours d’une consultation de génétique clinique. Afin de proposer des explications utiles à ces questionnements, il faut avoir une connaissance poussée et actualisée des données scientifiques et légales les concernant. Certaines techniques sont déjà très détaillées, permettant de visualiser une perte ou un gain de matériel génétique avec une très haute résolution. Il est maintenant également possible de séquencer l’ensemble du génome en une seule prise de sang et cette technologie commence elle aussi à s’intégrer dans la pratique clinique. Ainsi, 10 % des familles pour lesquels de multiples cancers du seins et ou de l’ovaire sont mis en évidence, peuvent trouver leur explication dans une origine monogénique simple. Il est donc possible de mettre en évidence une anomalie génétique dans un gène connu pour prédisposer au cancer du sein et de l’ovaire

Il semble évident que ces interrogations doivent être gérées dans un cadre éthique et légal particulier. il va également de soi que l’ensemble de ces résultats devra être gérée au sein d’un cadre familial et demande souvent une prise en charge psychologique particulière. Les analyses génétiques coûtent facilement mille euros et leur complexité d’interprétation et de prescription (il y a plus de 20 000 gènes différents chez l’humain) demande elle aussi une connaissance particulière. Les cliniciens généticiens, bien sûr, existent dans notre pays. Néanmoins ils ne bénéficient pas d’une formation ou d’une reconnaissance particulière. Tout au plus est prévu en Belgique un certificat interuniversitaire de génétique, mais qui ne prépare pas encore suffisamment aux complexes questions éthiques, légales et médicales auxquelles le clinicien généticien sera confronté. L’arrêté royal qui règle sa reconnaissance ne prévoit pas de titre particulier, faute de formation particulière.

L’’absence de formation pour une spécialité de cette complexité et occupant une importance croissante dans la médecine moderne, et ce même dans une médecine quotidienne, engendre une hétérogénéité au niveau des soins administrés à ces patients .C’est pourquoi il est indispensable qu’ils soient gérés par quelqu’un qui possède tous les outils nécessaires pour le faire. De plus il est difficile d’attirer de jeune talent, lorsqu’on leur propose une spécialité médicale sans aucune réelle reconnaissance à la clé. En entamant la route pour la génétique clinique, a ce jour, le jeune médecin n’a aucune certitude quant à la possibilité d’effectivement pouvoir exercer la spécialité de son choix. D’autant que sans diplôme il sera difficile pour celui-ci de faire valoir sa formation a l’étranger.

Cette situation est d’autant plus étonnante, que la majorité des pays d’Europe bénéficient eux d’une spécialité médicale avec diplôme reconnu (22 pays des 28). Il est donc assez surprenant de voir qu’en Belgique ce n’est pas encore le cas. La plupart des formations européennes se déroulent sur un minimum de 4 ans. Cette formation aura pour but de couvrir les différents domaines auxquels un médecin généticien sera confronté. Au niveau Européen également, des accords afin d’harmoniser le cadre légal de cette pratique est déjà largement construite. Grand temps que la Belgique s’active et prenne les mesures nécessaires à la création d’une formation et reconnaissance en génétique clinique. Standardiser cette formation permettra d’harmoniser la qualité des soins reçus par les patients et permettra également une (meilleure) gestion des coûts engendrés par cette spécialité. En quelque sorte, notre pays est confronté à une nouvelle médecine à laquelle la pratique doit s’adapter. Le processus de sélection est en cours. Il reste à en maitriser la mutation.