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Pourquoi nos entreprises devraient plus souvent être dirigé par un binôme homme-femme

Professeur à la haute école Odisee, Joeri Colson est également membre du Groupe du Vendredi. Egalement paru dans L’Echo du 2 juin 2017.

Voilà des semaines que nous vivons au rythme des élections ; après les néerlandaises et les françaises, ce sont maintenant les élections des recteurs flamands qui viennent d'avoir lieu ou sont encore en cours dans le cas de Gand. Après les discussions sur la manière de diriger un pays, il est donc aujourd'hui question de la gestion des universités ou, comme le disent certains médias : « la direction de quelques-unes des plus grandes entreprises du pays ».

Et cette direction des entreprises et institutions est à mon avis encore trop souvent assurée par une seule personne. C'est pourquoi je tiens à rompre une lance pour le double leadership, où la direction est assumée par un homme et une femme. C'est déjà un point positif des élections rectorales gantoises : un tandem homme-femme brigue cette fonction de chef d’orchestre.

Est-ce une nouveauté ? Non. On a ainsi déjà vu dans certains partis politiques des duos prétendre à la plus haute fonction, et de grandes entreprises comme Oracle et le groupe RTL en ont déjà deux. Mais cela arrive encore beaucoup trop rarement à mon sens, souvent aussi sans qu'il y ait un total pied d'égalité, et certainement pas dans une configuration homme-femme, alors que cette parité présente plusieurs indéniables avantages.

Le fractionnement de la fonction permet tout d'abord de répartir la charge souvent inhumaine d'un dirigeant entre quatre épaules, ce qui peut s'avérer une bonne protection contre la maladie de cette époque : le burnout.

Il peut également faire en sorte que les enfants et/ou le conjoint du dirigeant s'éloignent moins de lui et qu'il puisse se permettre d'échapper à l'occasion à un important déjeuner de réseautage pour s’occuper de sa famille et aller faire du sport, ce qui est donc positif pour l'équilibre entre travail et vie privée.

Je pense aussi que cela permet de lutter contre un des plus énormes gaspillages de talent sur le marché du travail : la sous-exploitation du talent féminin. En les laissant prendre elles aussi les commandes, on crée des exemples et on brise le plafond de verre.

Il me semble par ailleurs aussi que ce système est bénéfique pour la capacité de jugement des big chief(s) nécessaire à la définition d'une stratégie d'entreprise. L'éventuel excès de testostérone peut être tempéré par les œstrogènes qui modèrent un peu l'habituel comportement à court terme et les risques qu'il entraîne. On peut donc espérer que ces duos négocieront moins pour faire dépendre les bonus d'objectifs à court terme, et/ou qu'ils intégreront davantage d'objectifs sociaux.

Un récent article scientifique indique en outre qu’un duo de dirigeants peut s'avérer positif pour l'innovation des entreprises. Il permet en effet d’éviter les éventuels conflits de rôles, de même que le stress et la tension que ceux-ci engendrent chez un seul et unique dirigeant.

Cela signifiera-t-il la fin des mauvaises décisions ? Cela n'entraînera-t-il pas quelques problèmes de coordination ? Cela solutionnera-t-il l'actuel écart salarial entre homme et femme ou la tension salariale entre travailleurs et CEO ? Cela éliminera-t-il une structure trop hiérarchisée ? Bien sûr que non, mais c'est au moins un pas dans la bonne direction.

Plutôt que le plaidoyer rabâché des cercles politiques pour le bon père de famille ou le bonus pater familias, je plaide donc ici en faveur d'une parentalité partagée dans les entreprises : une parentalité où un père et une mère peuvent se pencher ensemble sur leur œuvre personnelle ou adoptée.