2017 05 10 de burgerdienst als dam tegen polarisatie

Pour un service citoyen obligatoire

Brieuc Van Damme est économiste et président du Groupe du Vendredi. Egalement paru dans L’Echo du 19 mai 2017.

Bien avant que les choses sérieuses ne commencent, une certaine lassitude semblait s’être déjà installée dans la vie du jeune Marius. L’école ne semblait plus l’intéresser, et il n’osait certainement pas penser à ce qu’il ferait après. Une fois ses études secondaires terminées, pas sans difficultés, il fut appelé pour le service militaire obligatoire en Norvège. À l’armée, il apprit à connaître les limites de son endurance. Pour la première fois, il prit conscience du luxe que c’était de pouvoir étudier au chaud, avec une bonne tasse de café. Il put constater que beaucoup de jeunes de sa génération n’avaient pas eu la chance de grandir dans un environnement et une école aussi protégés que lui. Jour après jour, la boule à zéro et en uniforme, les recrues apprirent à respecter leurs différences, découvrant que dans un environnement diversifié où tout le monde est égal, on apprend davantage et plus vite. Ce respect mutuel se transforma en amitié, et cette amitié renforça l’estime de soi et la confiance de ces jeunes en eux-mêmes.

Les défenseurs d’un service citoyen obligatoire pour les jeunes doivent malheureusement se contenter d’anecdotes comme celle de mon beau-frère pour venir appuyer leur conviction. Les quelques données chiffrées venant de l’étranger sont soit contradictoires, soit peu convaincantes, et en tout cas impossibles à traduire vers le contexte belge.

Ce que nous savons en revanche avec certitude, c’est que la polarisation entre les différentes communautés en Belgique s’est considérablement accrue depuis la crise des réfugiés et les attentats (UNIA, 2017) ; que notre système d’enseignement n’est pas devenu l’ascenseur social et outil de mixité que les politiques ont longtemps espéré qu’il soit (OCDE, 2016). Bref, en plus de combattre la discrimination, d’inciter à la tolérance et de continuer à réformer le système d’enseignement, nous devons trouver d’autres instruments capables d’améliorer le vivre ensemble dans la diversité. Nous sommes convaincus qu’un service citoyen pour les jeunes serait une bonne chose en ce sens.

Il semble d’ailleurs que le Groupe du Vendredi ne soit pas seul à penser cela. Quand nous avons lancé cette proposition il y a quelques mois, elle a été massivement partagée sur les médias sociaux. Elle a été soutenue par des experts comme le psychiatre Dirk Dewachter et l’économiste Geert Noels. Dans un sondage organisé par VTM sur son site Web, 2/3 des près de 30 000 participants se sont déclarés en faveur de la réintroduction d’un service obligatoire. Le cdH a déposé une proposition de loi à ce sujet, et le CD&V a approuvé lors de son congrès annuel une résolution prévoyant suffisamment de places ainsi qu’un statut social pour les jeunes qui se portent volontaires pour un service citoyen. Les ministres de la Jeunesse de la communauté flamande Sven Gatz (Open Vld) et française Rachid Madrane (PS) ont lancé des projets pilotes.

À l’étranger aussi, le service obligatoire a le vent en poupe. Il a récemment été réintroduit en Suède, et aux Pays-Bas, le CDA aux Pays-Bas l’a mis le sujet sur la table des négociations pour la formation du nouveau gouvernement. Enfin, il figurait également dans le programme d’Emmanuel Macron, le nouveau Président de la République.

Nous sommes convaincus qu’un service citoyen obligatoire pour les jeunes constituera la base d’un nouveau contrat social inclusif, fondé sur la participation et la responsabilisation. Il permettra en outre aux jeunes de se constituer en toute autonomie des droits sociaux et civils tels que le droit de vote, le droit à la pension et le droit aux soins de santé.

Et Marius ? Grâce à un prêt, il a pu faire des études et a été diplômé l’an dernier de la prestigieuse London School of Economics. Impatient, et plein de confiance pour l'avenir.