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Pour un football sans violence

Que le Vlaams Belang parle d’un « problème marocain » après les émeutes à Bruxelles ne doit pas étonner. Mais il n’est plus seul : Vooruit vise désormais ouvertement les « groupes d’immigrés » et le CD&V, « ces jeunes qui ne partagent pas notre culture ».

Avec ces labels agrémenté d’une scène de guerre dans les rues de Bruxelles, la presse écrite renforce la polarisation alimentée par le monde politique. Les images véhiculées par les médias et le langage qu’elles utilisent ne font pas honneur à notre société diversifiée.

Un problème belge

De nombreux articles ont paru dans les médias suite aux émeutes qui ont suivi la victoire du Maroc contre la Belgique en Coupe du monde. Qu’ils aient tenu des propos sommaires ou exprimé des points de vue plus profonds sur notre société, les meneurs politiques n’ont pas hésité à adopter un langage dur. En parcourant les sites d’actualité – c’est-à-dire, en règle générale, les titres et sous-titres –, on est en droit de se demander si nous sommes bien conscients de la façon dont ces déclarations politiques colorent – littéralement – l’image que nous nous faisons de la société. Parle-t-on de « groupes d’autochtones » ou de « problème belge » lorsque les supporters de clubs belges connus mettent les stades sens dessus dessous ? Il est étonnant qu’à une époque où plus d’un tiers des Belges ont leurs racines en dehors de notre pays, nous ciblions encore des groupes en fonction de leur origine ethnique. Combien de générations faudra-t-il encore pour que le discours public et politique reflète et respecte la diversité de notre société contemporaine ?

De même, le discours sur les émeutes ne saurait être ramené à une seule question d’origine ethnique ou de différence culturelle. Que l’on songe à ce qui se passe après un match entre l’Antwerp, Anderlecht, le Club de Bruges ou le Beerschot, par exemple. Pas besoin de s’y connaître en foot pour s’apercevoir que les émeutes font souvent partie de la culture du football. Or, cette culture, les jeunes la partagent « avec nous ». Si nous voulons que les émeutes cessent, il nous faut non seulement revoir le discours politique utilisé dans les médias, mais aussi aspirer à un football sans violence qui s’attaque également aux racines du « problème belge ».

Vers un football sans violence

Pour parvenir à un football sans violence, il nous faut probablement commencer à l’échelon le plus bas, en abordant tout d’abord cette violence insensée au sein de l’environnement social et urbain immédiat, celui des amis, de la famille, mais aussi du club. Et de préférence, juste après le match. L’impressionnante chaîne humaine formée par des personnes plus âgées et qui a permis d’éviter une nouvelle confrontation entre les jeunes et la police offre à cet égard un exemple fort. Il est vrai qu’il existe une voie légale pour les faits les plus graves. Mais une interdiction de stade infligée après coup anonymise et individualise en partie les comportements. Avec parfois à la clé un sentiment d’impunité, d’invincibilité et de débrouillardise : après tout, les voies détournées qui permettent d’encore pénétrer dans le stade ne manquent pas. Le plan d’action « Ensemble pour un football sûr », né d’une collaboration entre la fédération, les clubs, le SPF et la police, a également été lancé il y a peu. Malheureusement, sanctions et maintien de l’ordre sont les maîtres mots du document, et l’efficacité de cet engagement partagé demande déjà à être revue d’urgence. L’animation à la jeunesse et le travail de rue devraient faire partie intégrante d’un tel plan d’action. Là où le cadre juridique accuse un retard sur la réalité, l’animation à la jeunesse et le travail de proximité sont pourvus d’un réel pouvoir transformateur.

Le rôle joué par les médias

On a constaté de nombreux dérapages dans les rues de Bruxelles et d’Anvers, mais aussi dans la manière dont les faits ont été rapportés. Profitons de cet arrêt de jeu pour améliorer les choses. Car, que ce soit dans le monde du foot ou dans la société, renforcer l’inclusion et atténuer la polarisation ne sera possible que si nous abordons entre nous la violence (dans le football), si nous unissons nos forces pour mettre en place un véritable plan d’action pour un football sûr, et si nous favorisons l’utilisation d’un langage conscient dans la presse écrite et les médias numériques. Tous ensemble donc, de manière sportive, comme un véritable douzième homme.

Cet article est publié sur L'Echo.be le 12/9/2023