Choisir son prestataire: version 2.0

Permettez-moi d’user de ces colonnes estivales du Groupe du Vendredi pour lancer une idée concrète – bien au-delà de mon domaine professionnel, celui de la politique internationale. Je veux ici apporter mon soutien au « conseil prestation ». Le Belge moyen dépense plus d’un tiers de ses revenus pour toutes sortes de prestataires de services, tels que plombiers, garagistes, jardiniers, etc. Ils représentent une partie importante de notre production économique, et ont souvent un impact important sur la valeur des grands projets d’investissement, qu’il s’agisse de la maison familiale ou du commerce d’un entrepreneur.

Pourtant, nous ne sommes que rarement en mesure d’évaluer à qui nous pouvons consacrer au mieux nos économies. Bien sûr, nous pouvons demander un devis, et prendre conseil ici ou là, mais une évaluation de ce marché reste difficile, surtout par rapport au commerce des marchandises ou aux grands prestataires de services du secteur bancaire et des télécoms. Comme nous l’enseignent les ouvrages sur l’économie, un marché ne peut fonctionner que si les consommateurs peuvent bénéficier de suffisamment d’informations pour faire des choix. Ici, ces informations sont donc souvent insuffisantes. C’est là où intervient le « conseil prestation », le marché numérique par excellence, qui doit permettre au consommateur de s’informer, de choisir et d’évaluer.

Idéalement, le « conseil prestation » devrait être géré tant par les associations de consommateurs que celles des producteurs. Mais il pourrait très bien également relever de la fonction publique. Si on laisse un marché numérique entièrement aux mains d’entrepreneurs internet futés, le risque de compromettre la fiabilité des informations par différentes formes de publicité et de manipulation de recherche est évident. Le « conseil prestation » ne peut évidemment pas constituer une soupape bureaucratique, mais il appartient aux autorités de veiller à ce que les marchés fonctionnent correctement. Auparavant, on érigeait dans ce but de prestigieuses esplanades et halles gothiques, mais de nos jours, cela peut se faire par voie numérique.

Le « conseil prestation » détermine la structure. L’information doit bien évidemment provenir des consommateurs et des producteurs. Par exemple, chaque entrepreneur devrait pouvoir gérer une petite page reprenant ses spécialités, et des exemples de ses principales prestations. Les consommateurs pourraient y faire leur choix, par région ou par ville. Mais on peut également penser à des descriptions de projets, où les consommateurs indiquent quels services ils souhaitent et à quelles conditions, afin que les producteurs eux-mêmes puissent y réagir. Amsterdam mène un intéressant projet pilote de ce type pour les plombiers. In fine, le marché se maintient ou tombe en fonction des évaluations mises à disposition. A l’issue d’une prestation, le consommateur décrit brièvement son degré de satisfaction, et ajoute, s’il le souhaite, quelques photos. Le prestataire de services peut réagir s’il le désire, et contredire la critique.

Il semble toutefois que la culture de l’évaluation en ligne des services a du mal à prendre racine en Belgique. Il y a bien ici et là quelques initiatives, mais nous préférons garder notre opinion pour nous. Cette frilosité peut bien évidemment rendre plus difficile la création d’une masse critique qui donne son utilité au marché numérique, mais les autorités peuvent lancer un certain nombre de campagnes en vue de surmonter ces réticences, principalement par une sensibilisation auprès des jeunes consommateurs qui restent généralement confrontés à des dépenses importantes en matière de prestations. C’est une chose de former sur les bancs de l’école les producteurs de demain ; c’en est une autre, au moins aussi importante, de les armer en tant que consommateurs.

L’UNIZO ou l’UCM ne doivent pas craindre un pilori numérique pour indépendants. Ils tirent eux-mêmes bénéfice d’une réévaluation d’un certain nombre de services, et de la mise à l’index des beaux parleurs et autres gâte-métiers. On pourrait éventuellement penser à un trophée annuel des meilleurs prestataires de services dans certains secteurs. De jeunes débutants pourraient être encouragés à valoriser le marché par la qualité.

Bien sûr, le « conseil prestation » ne peut pas rectifier ce qui va de travers dans le marché du travail ; essentiellement parce que cet élément très important de notre économie n’est pas assez soutenu par des forces motivées, autrement dit, parce que les professionnels motivés qui proposent d’excellents services ne sont toujours pas assez valorisés. Un tel forum ferait assurément la différence entre un petit groupe de prestataires de services professionnels et une multitude d’amateurs, mais sans toutefois les éliminer.

Les avantages restent toutefois importants. Le « conseil prestation » nous permettrait, à vous et à moi en tant que consommateurs, d’enfin choisir parmi les services en connaissance de cause, et aux fournisseurs de services de se différencier par la qualité, et de gagner en visibilité par cette même qualité dans un segment du marché qui demeure encore bien trop souvent dans l’ombre.

Peut-être devrions-nous commencer tout d’abord par donner un petit coup de pouce numérique à cette idée avec un « like», par exemple…