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Oublions le bitcoin, vive la blockchain

Sans doute inspiré par les "cryptos mayors" américains, un député bruxellois vient d’annoncer vouloir être rémunéré entièrement en bitcoin afin de "conscientiser la population sur ces changements sociétaux qui arrivent". Ce choix interpelle. Le bitcoin n’a de monnaie que le nom. Car même douze ans après sa création, il ne permet ni de faire ses courses ni de payer ses factures.

Ceux qui en possèdent sont soit séduits par l’idée d’un monde monétaire non régulé par une puissance publique, soit motivés par de la spéculation financière. Pourtant, la technologie blockchain qui se cache derrière le bitcoin présente de réels avantages. Par conséquent, il serait raisonnable de fortement encadrer le bitcoin et de se concentrer sur l’émancipation de la blockchain dans le domaine économique.

Libertarisme technologique

Les milliers de cryptomonnaies créées ont en commun d’être non régulées par une institution reconnue. Ainsi, selon leurs promoteurs, elles échapperaient à une politique monétaire orchestrée par une banque centrale et augmenteraient "le pouvoir de l’individu par rapport au gouvernement". Cette logique illustre la forte corrélation entre la méfiance envers les institutions et l’attrait pour les cryptomonnaies.

Pourtant, nos institutions ont leur raison d’être. Une décision de la Banque centrale européenne est mûrement réfléchie, indépendante, et repose sur des travaux rigoureux. Elle apporte de la stabilité, et donc la sécurité indispensable à tout investissement. Cette stabilité nous enrichit collectivement. Cela permet aussi d’avoir des personnes responsables vers qui se tourner en cas de crise. Un système monétaire dépourvu de cette hiérarchie semble terrifiant. En outre, cette lubie libertaire risquerait vite de devenir liberticide. En effet, la blockchain du bitcoin est une sorte de grande base de données qui contient l’historique de tous les échanges et qui est consultable par chacun. L’État pourrait dès lors facilement y déceler toute transaction.

Valeur refuge: vraiment?

Un autre argument fréquemment invoqué est que le bitcoin constituerait une valeur refuge. Il n’est pourtant adossé à aucune monnaie et n’a pas de valeur intrinsèque. Sa valeur reposerait sur sa rareté, en opposition à la forte création monétaire de ces dernières années. Mais la rareté en elle-même ne peut guère être une source de valeur si la chose est inutile.

En réalité, son succès repose grandement sur sa volatilité et les récits de personnes ayant engendré des bénéfices hors normes en un temps record. Durant le premier confinement, la fièvre spéculative a d’ailleurs fait quadrupler la valeur du bitcoin, laissant croire à certains qu’il est possible de s’enrichir depuis son canapé. Ce mouvement est dangereux, car, au-delà des individus qui s’y perdent, il alimente l’inflation en détournant des milliers de milliards d’euros de l’économie réelle vers un actif purement spéculatif.

Freiner son ascension par la régulation

Pourtant, il est fort à parier que les cryptomonnaies continueront leur ascension. Les États semblent craindre de freiner l’innovation en cas de régulation. Et paradoxalement, ce laissez-faire contribuera à renforcer la méfiance envers nos institutions.

Cependant et heureusement, la Commission européenne s’est emparée du sujet, mais hésite encore sur l’approche à adopter. Afin de protéger les investisseurs et de contenir la spéculation, il serait sage qu’elle considère ces cryptomonnaies comme des instruments financiers à part entière avec les exigences légales requises en termes de publicité et de responsabilisation des intermédiaires. Cela rendrait les cryptomonnaies moins attractives.

Développer l’utilisation de la blockchain

L’attention se déplacerait alors peut-être sur la technologie blockchain. Celle-ci permet de stocker et transmettre des informations de manière transparente, sécurisée et sans organe central de contrôle.

Surtout, elle permet d’éliminer des intermédiaires coûteux et lents. Son potentiel dans le monde économique est énorme. Il suffit de penser à la propriété (immobilière ou autre). Par la blockchain, il serait possible d’identifier sans faille et instantanément le détenteur d’un bien. Plus besoin d’attendre des mois pour passer un acte en cas de vente immobilière! En parallèle, l’essor des "smart contracts", qui s’appuient sur la blockchain, permettrait d’automatiser l’exécution de nombreux contrats, comme, par exemple, les indemnités en cas de retard d’avion/train. Mais, espérons, le tout en euros!