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Ostende: Une ville qui ne se laissera pas submerger

Hôte : Thibault Viaene est membre du Groupe du Vendredi et avocat au barreau d’Anvers.
Invité : Tom Hick est doctorant et assistant à l'Institut de droit des obligations à la KU Leuven.

Mi-juin, je rends visite à Thibault dans sa ville natale d'Ostende, la reine des stations balnéaires. Le temps est maussade : nuages bas et mer calme - une scène typique pour les habitués de notre côte. Malgré cela, Thibault et moi sommes d’excellente humeur et j’ai hâte de découvrir sa ville. Me voilà donc parti en excursion sur la côte.

Ostende, l'Atlantide de la Belgique

Thibault commence notre promenade sur la digue par une plongée vivante dans l'histoire d'Ostende. Il m'explique que l’Ostende actuelle est en réalité une version reconstruite de l'Ostende d’origine, qui repose aujourd'hui au fond de la mer du Nord. Au XIVe siècle, l'Ostende médiévale fut en effet détruite par un raz-de-marée, puis reconstruite un peu plus à l’intérieur des terres sous la direction de Philippe le Hardi.

Même à son emplacement actuel, Ostende reste exposée à la puissance des marées. Thibault me parle ainsi de l’inondation d'Ostende en 1953. Dans les récits de ses grands-parents, le souvenir de cette tragédie, qui coûta la vie à huit personnes, est encore vivace. Cela me rappelle l'inondation de la vallée de la Vesdre l’été 2021, qui a causé des ravages dans ma ville natale d'Eupen.

Ostende a pris des mesures afin de lutter contre la montée du niveau de la mer. Le brise-lames Ouest, conçu pour résister à des vagues de 4,80 mètres de haut, véritable fortification destinée à protéger la ville d’inondations futures, a été construit en 2014. Aujourd'hui, le brise-lames sert non seulement de mur de défense, mais aussi de promenade agréable où Thibault et moi, à l’instar d'autres touristes, flânons tout en profitant de la vue. Et c'est précisément à ce moment-là que le soleil perce à travers les nuages.

Regards tournés vers l'avenir

À Ostende, les effets du changement climatique se font sentir de différentes manières. L’étape suivante de notre promenade est le ‘Vistrap’, un marché aux poissons en plein air situé sur le quai, rappel vivant du passé florissant d'Ostende en tant que ville internationale de pêche et de commerce. C'est là que Thibault me dévoile une partie de l'histoire de sa famille. Son grand-père était un pêcheur chevronné. Poussé par le déclin constant des bancs de poissons résultant de la surpêche en mer du Nord, il fût même amené à naviguer dans les eaux islandaises. Le réchauffement de l’eau de mer n'a fait qu'accélérer ce processus. Ainsi, le grand-père de Thibault a vu le nombre de bateaux de pêche diminuer régulièrement au cours de sa vie. La communauté de pêcheurs, de plus en plus réduite, reste toutefois un rappel vivant de ce qui fut autrefois un symbole du lien d’Ostende avec la mer.

Depuis le quai, nous jetons un œil sur le port voisin. Au loin, un cargo est prêt à prendre le large. Sur le pont, les pièces d'une éolienne sont prêtes à être installées sur l'un des nombreux parcs éoliens offshore de la mer du Nord. Le port d'Ostende est rapidement devenu l'épicentre de l'énergie éolienne offshore dans le sud de la mer du Nord. Face au défi climatique, la ville s'est résolument tournée vers un nouveau marché. Le North Sea Summit, qui s'y est tenu au printemps dernier, a clairement montré au grand public l'importance d'Ostende dans la transition verte.

Ce vent de changement souffle de la mer vers l'intérieur des terres. Il fait tourner les éoliennes, et Ostende. Thibault m’explique que de plus en plus de jeunes familles s’intéressent à Ostende en raison de l'immobilier abordable, l'air pur de la mer, et la qualité de vie qu’on y trouve. Les Galeries royales, un joyau Art déco quelque peu délabré, illustre bien de ce renouveau. La restauration tant attendue est enfin en cours, ce qui remplit Thibault d’optimisme. Nous terminons notre visite d'Ostende en prenant un café dans ce monument de la Belle Époque, le regard tourné vers la mer.

D’Ostende à Eupen

Je me plonge ensuite dans des lectures sur Ostende, ville côtière dont j'ai eu le privilège de découvrir les nombreuses qualités. À ma grande surprise, j'apprends que la source thermale de l'hôtel Thermae Palace, qui trône au milieu des Galeries Royales, était alimentée par de l'eau de l'Eifel, autrement dit pas très loin de ma ville natale d'Eupen. L'Ostende de Thibault et mon Eupen sont donc étrangement liés, non seulement par la plus longue liaison ferroviaire de notre pays, mais aussi par de l'eau thermale.

Rétrospectivement, l'eau - sous toutes ses formes - serpente à travers l'histoire de nos deux villes. Elle peut représenter une menace, semer la destruction, mais aussi être source de vie et de prospérité. Grâce à l'eau des Hautes Fagnes, Eupen est devenue au XVIe siècle un important centre de production textile. C'est ainsi que, d'Ostende à Eupen, l'eau nous relie.

‘D'Ostende à Eupen’ est une expression parfois utilisée dans notre pays. Elle symbolise une étendue géographique englobant les quatre coins de la Belgique, illustrant la diversité de notre pays tout en laissant subtilement transparaître l'unité sous-jacente. A y penser, l’eau qui coule d'Eupen à Ostende semblerait souligner l'interconnexion des écosystèmes. Et évoquer la nécessité d'accroître les efforts en faveur d'un mode de vie plus durable dans les régions de notre pays.

Cet article a publié sur L'echo.be le 25/8/2023