
Normes sociales dans l’investissement public: l’Europe doit s’appliquer ses propres principes
La Belgique, sans être un modèle parfait, applique des normes sociales élevées, avec l’un des salaires minimums les plus hauts d’Europe et une couverture sociale solide. Toutefois, ces avancées sont vulnérables si elles ne s’inscrivent pas dans un cadre européen cohérent. L’absence d’un socle social commun favorise des écarts entre États-membres au sein du marché unique, qui peuvent être exploités au détriment des travailleurs et des entreprises respectueuses des normes.
Le secteur du transport routier illustre bien les tensions liées à ce que certains qualifient de “dumping social”. Avant l’adoption de règles européennes sur le détachement des travailleurs, de nombreux chauffeurs étaient employés dans des conditions précaires, avec des salaires très bas et une protection sociale quasi inexistante. Cette situation ne résultait pas d’une stratégie délibérée de certains États, mais d’un marché unique où les règles du jeu étaient différentes.
Si l’Europe veut rester fidèle à ses valeurs, elle se doit d’intégrer transversalement davantage d’exigences sociales. Cela permettrait non seulement de protéger les travailleurs, mais aussi d’étendre cette approche à des domaines stratégiques comme l’industrie et la défense.
La Belgique, qui a toujours joué un rôle moteur dans le développement des droits sociaux en Europe, doit poursuivre cet engagement en défendant un cadre social clair, notamment pour les investissements européens. La présidence belge du Conseil a montré qu’un agenda social européen ambitieux était possible. Il appartient au nouveau gouvernement de poursuivre sur cette voie et d’insister pour inscrire durablement cette exigence dans les politiques européennes.
Pourquoi un cadre social est-il indispensable ?
Les subventions européennes – qu’il s’agisse du Fonds social européen +, du Mécanisme pour une transition juste ou des fonds structurels – ne sont aujourd'hui pas systématiquement conditionnées au respect des droits sociaux fondamentaux. Seule la Politique Agricole Commune a introduit une conditionnalité sociale. Cette absence de règles harmonisées entraîne une disparité dans l’application de ces droits au sein de l’Union européenne, en contradiction avec les principes essentiels qu’elle revendique.
Un cadre social inspiré du principe environnemental "Do No Significant Harm" (DNSH), déjà appliqué au fonds pour la relance et la résilience (RRF), garantirait que chaque euro investi ne nuise pas aux droits sociaux fondamentaux. Le DNSH veille à ce qu’un projet financé par l’UE n’ait pas d’impact environnemental significativement négatif. Transposé au domaine social, ce principe offrirait une protection de base, servant de socle sur lequel bâtir un cadre plus ambitieux visant à renforcer les acquis sociaux, au-delà de la simple prévention des préjudices.. Ce cadre pourrait se baser sur les ‘Minimal Social Safeguards’ décrits dans la Taxonomie européenne. Ce principe répliqué à des normes sociales aurait plusieurs effets bénéfiques :
- Des conditions de travail décentes, la promotion de l’inclusion sociale et la réduction des inégalités entre États membres.
- Une convergence sociale ascendante, essentielle aux objectifs de cohésion économique et sociale de l’UE.
- Une concurrence équitable où la compétitivité repose sur l’innovation et la qualité, et non sur l’exploitation des travailleurs.
- L’ancrage des normes européennes, comme le Socle européen des droits sociaux.
Conséquences concrètes de l'absence de cadre social commun
L'absence de normes sociales strictes dans les financements européens a conduit à soutenir des projets déshumanisants et socialement inacceptables. L’exemple des centres de rétention pour migrants en Turquie est révélateur: depuis 2014, près d’un milliard d’euros de fonds européens y ont été alloués, avec des conditions de détention dénoncées par Amnesty International. Plus de 142 000 expulsions ont été recensées en une seule année, souvent dans des conditions jugées inhumaines.
Dans d’autres secteurs stratégiques, comme la défense, l’UE investit des milliards sans s’assurer du respect des droits sociaux. La mission de formation militaire en Somalie (EUTM Somalia), par exemple, fonctionne sans cadre social strict, exposant potentiellement le personnel et les travailleurs locaux à des conditions de travail précaires.
Ce que la Belgique peut faire pour pousser une Europe plus juste
Le prochain gouvernement belge devra défendre une intégration plus forte des droits sociaux dans les financements européens. Concrètement :
Conditionner l’accès aux fonds européens au respect des normes sociales fondamentales, à l’image de la conditionnalité sociale introduite dans la Politique Agricole Commune (PAC).
Étendre le principe du “Do No Significant Harm” (DNSH) au social : si aucun euro européen ne peut nuire à l’environnement, il ne devrait pas non plus contribuer à l’exploitation des travailleurs.
Exiger un alignement budgétaire : les budgets nationaux respectant des normes sociales strictes doivent être mieux soutenus par le budget européen, afin d’éviter qu’une part disproportionnée des fonds ne soit captée par des États aux standards sociaux moins exigeants.
Renforcer le contrôle et la transparence : un mécanisme de suivi indépendant doit être instauré pour s’assurer que chaque euro investi ne finance pas des pratiques contraires aux valeurs européennes.
La Belgique peut jouer un rôle moteur en Europe en portant ses idéaux sociaux en avant de l’agenda de nouvelle Commission. Avant de vouloir exporter les valeurs européennes à l’international, il est temps de les appliquer à nos propres activités de financements. Ce n'est pas seulement une question de justice sociale, mais aussi de crédibilité et d'efficacité pour bâtir une Union équitable et durable, où la politique sociale occupe enfin la place qu’elle mérite.
Le secteur du transport routier illustre bien les tensions liées à ce que certains qualifient de “dumping social”. Avant l’adoption de règles européennes sur le détachement des travailleurs, de nombreux chauffeurs étaient employés dans des conditions précaires, avec des salaires très bas et une protection sociale quasi inexistante. Cette situation ne résultait pas d’une stratégie délibérée de certains États, mais d’un marché unique où les règles du jeu étaient différentes.
Si l’Europe veut rester fidèle à ses valeurs, elle se doit d’intégrer transversalement davantage d’exigences sociales. Cela permettrait non seulement de protéger les travailleurs, mais aussi d’étendre cette approche à des domaines stratégiques comme l’industrie et la défense.
La Belgique, qui a toujours joué un rôle moteur dans le développement des droits sociaux en Europe, doit poursuivre cet engagement en défendant un cadre social clair, notamment pour les investissements européens. La présidence belge du Conseil a montré qu’un agenda social européen ambitieux était possible. Il appartient au nouveau gouvernement de poursuivre sur cette voie et d’insister pour inscrire durablement cette exigence dans les politiques européennes.
Pourquoi un cadre social est-il indispensable ?
Les subventions européennes – qu’il s’agisse du Fonds social européen +, du Mécanisme pour une transition juste ou des fonds structurels – ne sont aujourd'hui pas systématiquement conditionnées au respect des droits sociaux fondamentaux. Seule la Politique Agricole Commune a introduit une conditionnalité sociale. Cette absence de règles harmonisées entraîne une disparité dans l’application de ces droits au sein de l’Union européenne, en contradiction avec les principes essentiels qu’elle revendique.
Un cadre social inspiré du principe environnemental "Do No Significant Harm" (DNSH), déjà appliqué au fonds pour la relance et la résilience (RRF), garantirait que chaque euro investi ne nuise pas aux droits sociaux fondamentaux. Le DNSH veille à ce qu’un projet financé par l’UE n’ait pas d’impact environnemental significativement négatif. Transposé au domaine social, ce principe offrirait une protection de base, servant de socle sur lequel bâtir un cadre plus ambitieux visant à renforcer les acquis sociaux, au-delà de la simple prévention des préjudices.. Ce cadre pourrait se baser sur les ‘Minimal Social Safeguards’ décrits dans la Taxonomie européenne. Ce principe répliqué à des normes sociales aurait plusieurs effets bénéfiques :
- Des conditions de travail décentes, la promotion de l’inclusion sociale et la réduction des inégalités entre États membres.
- Une convergence sociale ascendante, essentielle aux objectifs de cohésion économique et sociale de l’UE.
- Une concurrence équitable où la compétitivité repose sur l’innovation et la qualité, et non sur l’exploitation des travailleurs.
- L’ancrage des normes européennes, comme le Socle européen des droits sociaux.
Conséquences concrètes de l'absence de cadre social commun
L'absence de normes sociales strictes dans les financements européens a conduit à soutenir des projets déshumanisants et socialement inacceptables. L’exemple des centres de rétention pour migrants en Turquie est révélateur: depuis 2014, près d’un milliard d’euros de fonds européens y ont été alloués, avec des conditions de détention dénoncées par Amnesty International. Plus de 142 000 expulsions ont été recensées en une seule année, souvent dans des conditions jugées inhumaines.
Dans d’autres secteurs stratégiques, comme la défense, l’UE investit des milliards sans s’assurer du respect des droits sociaux. La mission de formation militaire en Somalie (EUTM Somalia), par exemple, fonctionne sans cadre social strict, exposant potentiellement le personnel et les travailleurs locaux à des conditions de travail précaires.
Ce que la Belgique peut faire pour pousser une Europe plus juste
Le prochain gouvernement belge devra défendre une intégration plus forte des droits sociaux dans les financements européens. Concrètement :
Conditionner l’accès aux fonds européens au respect des normes sociales fondamentales, à l’image de la conditionnalité sociale introduite dans la Politique Agricole Commune (PAC).
Étendre le principe du “Do No Significant Harm” (DNSH) au social : si aucun euro européen ne peut nuire à l’environnement, il ne devrait pas non plus contribuer à l’exploitation des travailleurs.
Exiger un alignement budgétaire : les budgets nationaux respectant des normes sociales strictes doivent être mieux soutenus par le budget européen, afin d’éviter qu’une part disproportionnée des fonds ne soit captée par des États aux standards sociaux moins exigeants.
Renforcer le contrôle et la transparence : un mécanisme de suivi indépendant doit être instauré pour s’assurer que chaque euro investi ne finance pas des pratiques contraires aux valeurs européennes.
La Belgique peut jouer un rôle moteur en Europe en portant ses idéaux sociaux en avant de l’agenda de nouvelle Commission. Avant de vouloir exporter les valeurs européennes à l’international, il est temps de les appliquer à nos propres activités de financements. Ce n'est pas seulement une question de justice sociale, mais aussi de crédibilité et d'efficacité pour bâtir une Union équitable et durable, où la politique sociale occupe enfin la place qu’elle mérite.