Ne ratons pas le train de la mondialisation (L’Echo - 31/05/2013)

Imaginez un instant, vous êtes confortablement installé dans l’Eurostar avec pour destination finale Londres Sint-Pancras. Le train a quitté Bruxelles-midi voilà 10 minutes et glisse à toute allure vers Lille Europe. Soudain, on annonce qu’un pickpocket sévit dans les voitures, mais car le train roule à cet instant sur le territoire flamand, le contrôleur n’invite qu’en néerlandais les passagers à surveiller de près leurs affaires. Imaginez ensuite qu’à l’arrivée à Lille, le chef de train s’adresse uniquement en français pour annoncer l’entrée en gare. Enfin, supposez qu’une fois passé le tunnel sous-la-Manche, un souci technique ne soit communiqué que dans la langue de Shakespeare. Cette situation totalement imaginaire – les communications dans l’Eurostar se font systématiquement dans les trois langues – ne serait-elle pas absurde, sachant que ce train est rempli de néerlandophones, de francophones et d’anglophones, sans même parler de son lot de voyageurs plus exotiques, dont la langue maternelle est le russe, le cantonais ou l’espagnol ?

Aussi absurde soit-elle, une telle situation correspond pourtant à la réalité sur le réseau ferré belge. Pensons au cas d’une touriste portugaise qui souhaite, après avoir visité Bruges, se rendre à Dinant, en passant par Bruxelles. Au départ, on ne lui communiquera l’arrivée du train et ne l’accueillera à bord qu’en néerlandais. L’entrée en gare à Bruxelles lui sera annoncé en néerlandais et en français, mais toujours pas en anglais. Enfin, elle apprendra que le train arrive à destination finale seulement en français. Et je n’ai pas abordé les changements de quai ou les retards éventuels qui rythment la vie de nombreux voyageurs…

La mondialisation, ce ne sont pas que des voitures coréennes, du bœuf brésilien ou des titres de créance américains un peu partout sur la planète, c’est aussi une myriade de touristes, de gens, d’homme d’affaires et d’expatriés qui circulent ou s’installent aux quatre coins du globe. Car elle est au centre du vieux continent et du fait de sa taille réduite, la Belgique est très ouverte économiquement. Pour asseoir sa réputation et sa prospérité elle se doit de l’être davantage sur le plan linguistique.

Aujourd’hui, de Berlin à Tokyo en passant par Rome et Moscou, les annonces dans les trains qui relient les métropoles nationales et les sites touristiques se font tant dans la langue officielle du pays qu’en anglais, langue véhiculaire mondiale incontestée. Les allemands, les japonais, les italiens ou les russes seraient-ils plus doués que nous pour les langues? Je ne le pense pas. Il semble bien que nous ayons pris du retard en matière de mondialisation linguistique et il est temps de le rattraper. La Belgique, pays hautement multiculturel qui accueille la capitale de l’Europe, le siège de l’Otan et dont les villes historiques attirent près de 7,5 millions de touristes chaque année se doit de montrer l’exemple en la matière, non de faire exception. Il en va de son image et de son attrait.