Loin des écrans, une jeunesse reconnectée au réel
En juillet et août, le Groupe du Vendredi consacre sa série estivale au thème de la résilience. Pendant dix semaines, nous explorons comment notre société peut mieux se préparer aux chocs et aux crises - non pas par peur, mais par sens des responsabilités. Cette semaine, Nicholas Vijverman s’interroge sur un fondement essentiel de la résilience : notre jeunesse.
En Occident, une nouvelle génération grandit, à la fois plus connectée que jamais et plus fragile sur le plan de la santé mentale. Les chiffres sont alarmants : en dix ans, les troubles anxieux, la dépression et les idées suicidaires chez les jeunes ont doublé. Que se passe-t-il avec nos enfants ?
Entre 2010 et 2015, l’enfance a été profondément transformée. Les jeux dans la rue ont cédé la place aux écrans. L’ennui, l’imagination et l’aventure ont été remplacés par les notifications, les comparaisons algorithmiques et la pression sociale permanente. Les amitiés se mesurent en likes, en vues, en streaks. Résultat : moins de liberté, moins de prise de risque, moins de contacts physiques - et en parallèle, plus d’anxiété, de solitude et de mal-être.
Une étude récente montre que les enfants jouent un tiers de moins dehors qu’il y a cinq ans. La majorité dépasse les seuils recommandés de temps d’écran. Les moins de cinq ans passent souvent plus de deux heures par jour devant un écran, alors que l’OMS recommande une heure maximum - et aucune exposition pour les bébés.
La résilience commence à l’extérieur
La résilience ne s’inculque pas en classe, encore moins sur une application. Elle se construit dans les expériences réelles : celles qui développent la confiance en soi, la gestion de l’échec, les relations humaines. Elle naît du contact avec les autres, avec son corps, avec le monde concret.
Si nous voulons faire de la résilience une priorité, commençons là où tout commence : avec les enfants. Cela demande du courage politique. Oui, nous devons interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans, comme en France ou en Australie. Pas par technophobie. Mais parce que leur cerveau, leur identité, leur estime d’eux-mêmes sont encore en pleine formation. Aucun enfant de douze ans n’a besoin d’être exposé à des idéaux inatteignables, à une pression sociale continue, ou à une addiction à la dopamine soigneusement conçue. Aucun enfant n’apprend à poser ses limites sur une plateforme qui tire profit de ses failles.
Une mission collective
En parallèle, redonnons aux jeunes ce dont ils ont besoin pour se construire : du jeu, du temps libre, du risque mesuré. Une société résiliente est une société qui ose relâcher ses enfants - les laisser grimper, tomber, recommencer. La résilience ne s’enseigne pas en une leçon. Elle se vit, au quotidien, dans l’espace public, dans la vie partagée.
Cela exige des choix collectifs. Aidons les écoles à instaurer des moments sans écran. Encourageons les communes à créer des espaces de jeu attractifs et sûrs. Légiférons pour limiter l’accès des mineurs aux plateformes commerciales. Et soutenons les parents qui osent dire non au smartphone, non comme un interdit, mais comme un acte de soin.
Comme nous avons investi dans les infrastructures sportives, investissons dans les infrastructures de jeu. Comme nous avons protégé les enfants sur la route, protégeons-les de la surcharge numérique. Comme nous avons mené des campagnes contre le tabac, osons alerter sur les effets addictifs du scrolling infini.
Une génération résiliente ne pousse pas sous cloche, mais au contact du réel. Rendons ce réel de nouveau attirant, accessible, stimulant. C’est une mission exigeante. Mais essentielle.