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Le sport, ce pilier négligé de notre bien-être collectif

Alors que la Belgique célèbre ses champions, une réalité silencieuse s'installe : plus d'un tiers des Belges ne pratique aucun sport, avec un fossé inquiétant entre classes sociales. Cette sédentarité coûte cher - en santé publique, en productivité et en cohésion sociale. Pendant que nos voisins européens font du sport un pilier sociétal, la Belgique tarde à agir. Il est temps de transformer notre approche du sport, non comme simple loisir, mais comme investissement collectif essentiel.

La Belgique est un pays sportif… en théorie. Ses coureurs cyclistes font rêver, ses Diables Rouges électrisent les stades. Pourtant, derrière ces succès médiatisés, une réalité bien moins reluisante se dessine : près de 35 % des Belges ne pratiquent jamais d’activité physique. Cette disparité met en lumière une inégalité sociale préoccupante : 71 % des personnes à hauts revenus font régulièrement du sport, contre seulement 41 % des ménages les plus modestes. L'écart entre diplômés du supérieur et personnes peu scolarisées est l'un des plus élevés d'Europe, plaçant notre pays en retrait par rapport aux leaders scandinaves et même à notre voisin français qui a entrepris de grandes réformes pour profiter de la dynamique de Paris 2024.

Un problème de santé publique… et de société

Le manque d’activité physique est l’un des principaux facteurs de maladies chroniques. Selon l’OCDE, chaque euro investi dans la promotion du sport génère en moyenne 1,7 euro d’économies en dépenses de santé.

Mais l’enjeu ne se limite pas à la santé. une population plus active physiquement souffre moins de troubles musculo-squelettiques et de burn-out, principales causes d'incapacité de travail prolongée. Alors que la Belgique affronte une explosion des malades longues durées avec plus de 600.000 malades – presque le double des chômeurs indemnisés – coûtant neuf milliards d'euros en 2023, une politique sportive ambitieuse est un investissement sociétal rentable.

Des études montrent que les travailleurs pratiquant une activité physique régulière sont moins sujets au stress et plus performants. La pratique du sport est également un puissant outil de cohésion sociale, notamment dans les quartiers défavorisés, où elle peut contribuer à réduire la criminalité et renforcer le lien intergénérationnel. Les études révèlent qu'une hausse de 10% de participation sportive locale entraîne une baisse d'environ 1,5% des crimes violents.

Pourquoi la Belgique est-elle à la traîne ?

Tout d’abord, l'inégalité d'accès au sport en Belgique révèle l'échec des politiques actuelles à atteindre efficacement les populations les plus vulnérables. Aussi, notre pratique du sport à l’école est perfectible, l'éducation physique restant limitée à deux séances hebdomadaires insuffisantes. L'orientation budgétaire a également historiquement privilégié le sport d'élite, délaissant les infrastructures de proximité souvent obsolètes qui nécessiteraient une modernisation substantielle.

La fragmentation institutionnelle belge n'arrange rien. Notre système confie la promotion du sport aux Communautés, tandis que les infrastructures sportives relèvent des Régions.

Des solutions concrètes pour une politique ambitieuse

Pour transcender cette fracture sportive qui fragilise notre tissu social, une politique transversale et inclusive s’impose. S'appuyant sur les meilleures pratiques européennes tout en s'adaptant aux réalités institutionnelles belges, quatre chantiers prioritaires se dessinent :

  1. Faire du sport une priorité éducative. Introduire 30 minutes d’activité physique par jour à l’école primaire et intégrer le mouvement dans le quotidien des élèves, comme l’a fait la France avec le programme Génération 2024.

  2. Investir dans les infrastructures. Lancer un plan de rénovation des équipements vieillissants et repenser l’urbanisme pour favoriser l'activité physique informelle (espaces sportifs de proximité en libre accès, pistes cyclables sécurisées).

  3. Sensibiliser les publics les moins actifs. Mener des campagnes inspirées du succès britannique "This Girl Can" pour encourager femmes, seniors et jeunes sédentaires.

  4. Renforcer les passerelles santé-sport. Développer le sport sur ordonnance, afin que les médecins puissent rediriger les patients sédentaires vers des associations locales, en s’inspirant du système des Maisons Sport-Santé en France.

Faire du sport un projet de société

Le défi est immense mais l'opportunité l'est tout autant. La volonté politique existe, comme en témoigne la déclaration régionale flamande qui a un projet ambitieux de modernisation et création d'infrastructures, tout comme la Wallonie qui compte, parmi d’autres mesures, instaurer un tax shelter au bénéfice des infrastructures sportives.

L'heure est venue de considérer le sport non plus comme un simple loisir mais comme un pilier fondamental de notre projet de société. Car une Belgique qui bouge sera inévitablement une Belgique qui gagne – sur tous les tableaux.