Vrijdaggroep politieke schandalen

Le radicalisme est notre meilleur rempart contre la démagogie

Par Laurent Hanseeuw, Economiste et membre du Groupe du Vendredi. Egalement paru dans L’Echo du 27 janvier 2017.

Dans La Constitution des Athéniens, œuvre majeure du IVème siècle avant notre ère, Aristote décrit le régime politique dans la Grèce antique. D’importants passages de l’ouvrage sont consacrés aux mécanismes mis en place pour lutter contre les malversations publiques. Ainsi, des contrôles réguliers des décisionnaires avaient lieu que ce soit via l’épicheirotonia (vote sur la bonne administration des mandataires), les logistai (audit des comptes) ou tout simplement un graphè dôrôn (la dénonciation).

Cet exemple antique nous rappelle que les problèmes de corruption ou de malversation dans la gestion publique sont un phénomène inhérent à l’organisation des sociétés humaines. Il ne s’agit donc ni d’un mal wallon, ni d’un mal contemporain, contrairement à ce que les tourbillons politiques du moment pourraient nous faire croire. S’il faut donc nous confronter à la faiblesse morale du genre humain, l’Histoire peut également nous éclairer sur l’efficacité des dispositions à mettre en place pour lutter contre ces écueils. Et ce qui devrait attirer notre attention dans l’antiquité, grecque ou romaine d’ailleurs, est la persistance des cas de corruption malgré la lourdeur des sanctions, menant à la peine de mort dans bien des cas. D’Eschine à Démosthène et bien entendu Périclès, les récits de malversations publiques semblent aussi fréquents que les ébats des dieux de l’Olympe. En d’autres mots, la peur du pilori n’est pas un outil efficace pour garder les hommes (de pouvoir) sur le droit chemin.

Pourtant, et malgré ce constat séculaire, force est de constater que nos sociétés continuent à considérer le fouet châtieur comme une solution efficace. La vindicte avec laquelle d’aucuns ont obtenu la démission du Ministre Paul Furlan est le dernier exemple en date. En Belgique – pas qu’en Belgique d’ailleurs – l’appel à la démission est une sorte de réflexe pavlovien lors de chaque épisode de scandale politique. De Decker, Vanackere, Milquet, la liste est trop longue pour tous les nommer. A moins de considérer tous nos responsables politiques comme des retardés mentaux, incapables de mesurer que les écarts de conduite constituent un risque important, il faut bien reconnaître que le risque de couperet ne suffit pas à prévenir les écarts.

Face à ce constat, trois évolutions sont possibles. On nommera la première la passéiste, ou la fataliste. Elle consiste à maintenir le système actuel, s’accommodant tacitement du caractère inévitable des crises de ce type, dont on met fin par un jeu de chaise musicale. La deuxième évolution est au cœur du mouvement populiste, révolutionnaire ou réactionnaire. Elle prend pour hypothèse que ces conduites sont le propre d’une élite corrompue, ayant érigé son propre système pour se partager profits et largesses. Elle consiste alors à décapiter ces élites et leur système pour le remplacer, on suppose par un autre, plus intransigeant, plus véridique, plus pur. On nommera la troisième évolution la radicale, la réformatrice ou la progressiste. Elle nécessite inévitablement de comprendre que l’homme n’est intrinsèquement ni bon, ni mauvais, ni moral, ni immoral, mais que ce sont les organisations, systèmes et institutions qui l’amènent à générer du progrès ou du déclin. Cette évolution vise donc à apporter des adaptations fondamentales au système existant.

Chaque époque voit l’une de ces évolutions prévaloir sur les autres. La plupart du temps, c’est la fataliste qui prévaut tandis que les tournants dans l’Histoire voient l’une des deux autres la supplanter. L’intérêt de notre époque est sans doute que nous nous trouvons à la fin d’un cycle. Nul besoin d’être un fin analyste politique pour observer que le populisme a le vent en poupe. Pour ceux qui ambitionnent contrer cette évolution, le maintien du statu quo est peu réaliste, le mouvement de balancier étant enclenché.

A l’échelle du sujet en question – la probité politique – et de notre pays ou région – la Belgique ou la Wallonie – il est donc nécessaire d’amener des propositions radicales sur la table. Furlan devait peut-être démissionner et Moreau se choisir un (seul) métier mais chacun sait que ce n’est que partie remise si l’on se cantonne à ces punitions. Avec le Groupe du Vendredi, nous avions élaboré une charte pour plus de déontologie en politique et suggéré 12 réformes concrètes. Limiter le cumul et le nombre de mandats dans le temps comme le propose également Emmanuel Macron dans son livre ‘Révolution’. Mais la liste est longue entre imposer la transparence des cabinets politiques, réduire la taille et le nombre des incalculables conseils d’administration, jouer la transparence sur les rémunérations etc. Ces étapes seraient infiniment plus bénéfiques que le doigt accusateur, certes nécessaire, pointé sur des responsables individuels. Car, dans un mois, dans un an, une autre affaire scabreuse surgira. Et il arrivera un moment – y est-on déjà ? – où la démission et la mise au ban ne satisfera plus une audience échauffée.

Bref, les réformes devront suivre ou certains boiront à nouveau la ciguë.