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Le logement social améliore aussi notre santé publique

L’Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement et les soins médicaux… ». Mais avec 272 000 personnes inscrites sur les listes d’attente des logements sociaux et des villes confrontées à une pénurie de logements abordables, nous faisons la part belle aux maladies infectieuses et à toute une série de problèmes de santé non infectieux. Ce faisant, nous hypothéquons à la fois le droit au logement et le droit à la santé.

Ce que la tuberculose nous a appris…

Le COVID-19 est loin d’être la première maladie infectieuse aéroportée à ravager l’Europe. Il y a moins de trois générations, de nombreux citadins européens furent touchés par la tuberculose active. Le pic de mortalité fut atteint vers 1900, et on enregistra en 1940 une diminution significative du taux de mortalité. Cette baisse remarquable, atteinte avant même qu’un diagnostic précis et un traitement spécifique ne soient disponibles, nous apprend que ce sont principalement des interventions au niveau sociétal qui ont permis d’enrayer la maladie : aménagement de lieux de travail plus sains, meilleure alimentation et construction de logements de qualité.

Avant la découverte des antibiotiques, la construction de logements sociaux constituait ainsi une mesure courante de prévention de la tuberculose. Les codes du bâtiment et les normes relatives à la surface au sol par habitant, à l’éclairage naturel ou encore à la ventilation faisaient partie intégrante de la conception architecturale.

Le courant architectural qui en découla adopta scrupuleusement ces considérations sanitaires et devint même iconique dans la plupart des villes : la lutte contre la tuberculose est l’un des fondements du modernisme. La qualité de vie connut une amélioration structurelle et la politique de quarantaine fut revue en profondeur. Des sanatoriums et préventoriums furent construits pour assurer aux malades et à leur famille un suivi de qualité gratuit. Cette stratégie s’appuyait sur un réseau de dispensaires locaux et de « visites à domicile » dans les quartiers urbains, une forme très ciblée de ce que nous appelons aujourd’hui le contact tracing. Après 1940, la découverte d’un antibiotique fonctionnel et d’un vaccin contre la tuberculose permit de réduire le fardeau résiduel de la maladie en Europe occidentale.

… et le parti que nous aurions pu en tirer pour le COVID-19

Moins d’un siècle plus tard, les recettes sociales qui ont permis de diminuer la prévalence de la tuberculose semblent avoir disparu de la mémoire collective. Le gouvernement a bien, pendant la pandémie de COVID-19, dégagé des fonds à la hâte pour lutter contre les maladies biomédicales, mais il a oublié d’inclure la construction de logements abordables et de qualité dans le paquet de mesures COVID-19. En adoptant le slogan « Restez chez vous », il supposait également à tort que tout le monde avait un chez-soi.

Trois ans plus tard ou presque, peu d’améliorations sont en vue. Si l’accord de gouvernement (4,5 milliards d’euros) et le plan de relance (250 millions d’euros) prévoient tous deux une généreuse marge de manœuvre pour la construction de logements sociaux et la rénovation de ceux actuellement vacants, leur mise en œuvre tarde.

Des villes saines ?

Reste à savoir où en sont ces logements sociaux et ces logements abordables. Les politiciens ont déjà déclaré que les délais de construction pourraient être réduits à 36 mois en cas de simplification de la procédure standard. Le gouvernement a également construit de nombreux centres et villages de vaccination en un temps record et assoupli sa politique d’urbanisme pour permettre la construction d’« unités de soins » sur des propriétés privées et dans des arrière-cours. Même la construction de Vaccinopolis, pourtant complexe, a été achevée en quatorze mois. Pour reprendre les mots de Jean-Pierre Van Damme : « Le Corona nous a donné un coup de pouce. » Moyennant une certaine volonté politique et l’adoption d’une procédure administrative d’urgence, ces logements abordables auraient déjà permis d’abriter de nombreuses familles.

Le COVID-19 circule encore aujourd’hui, et un tiers de la population mondiale est infectée par la bactérie de la tuberculose, une maladie qui reste également latente en Europe et même en Belgique. Nous serions donc bien avisés de résorber la pénurie de logements abordables et d’aménager des villes véritablement saines en soutenant la construction de logements sociaux. Car si la tuberculose nous a appris une chose, c’est bien celle-ci : le logement n’est pas seulement un droit fondamental, c’est aussi une pierre angulaire de notre santé publique.

Cet article est publié sur L'Echo.be le 16/12/2022