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La voiture en ville : de l’individuel au collectif

La voiture ; son utilisation, sa place et son mode de fonctionnement est un sujet omniprésent dans l’actualité. Nous le savons, la voiture vient avec son lot de nuisances. Elle affecte la qualité de l’air, impacte sur la santé, entraine une pollution sonore et visuelle. Sans parler des embouteillages qui, en ville, entravent la circulation des trams, bus, ou ambulances.

Bien entendu, pour certains déplacements, l’avantage ou la nécessité de la voiture ne peut être ignoré : en campagne où l’offre de transports en commun est limitée, pour les personnes à mobilité réduite, ou encore pour certains aides-soignants, corps de métier en déplacement, et particulièrement ceux et celles avec une cargaison. Force est toutefois de constater qu’en ville, la voiture est devenue un moyen de transport largement problématique et inefficace.

Commençons par son volume : une voiture individuelle occupe environ 10m² et est stationnée à 95% du temps en moyenne, dans un milieu urbain où nous manquons déjà cruellement d’espace. Par ailleurs, a-t-on vraiment besoin d’utiliser un véhicule de plus d’une tonne pour déplacer 80kg, alors qu’un vélo électrique de 20kg en est capable avec des temps de parcours moindres en milieu urbain ? La publicité nous incite à associer la voiture avec un vent de liberté. Malheureusement, l’automobiliste, dans mon vécu, est souvent en retard à ses rendez-vous, faute de ne pas avoir trouvé une place de parking.

Et puis la voiture transforme l’humain en être asocial. On ne compte plus les conducteurs qui ne daignent même pas pousser quelques secondes sur leur frein devant un passage piéton. Cet isolement social impacte non seulement le conducteur, mais aussi le quartier qu’il traverse. J’habite dans un quartier dense, proche de la petite ceinture de Bruxelles. Récemment on y a entamé des travaux pour lesquels la route a dû être fermée. L’impact était immédiat : des personnes âgées avaient sorti leur chaise pour s’installer sur le trottoir, des enfants jouaient et traversaient sans se soucier du trafic. Un sentiment de voisinage s’est installé et j’ai enfin rencontré mes voisins. Pour reprendre une formule anglaise : ‘It takes a village to raise a child’, nous pourrions y rajouter, ‘and it takes a car to take the village away’. La disparition des liens sociaux est difficile à quantifier, car elle se vit.

Adopter des moyens de transports alternatifs à la voiture peut être source de nouveaux liens sociaux, comme j’ai pu le vivre à plusieurs reprises. Ma vie sociale et mon travail nécessitent de nombreux déplacements, mais je ne possède pas de voiture. Je fais la plupart de mes déplacements à vélo. Parfois en combinaison avec le train ou le tram, où je considère que jusqu'à 30 minutes de marche fait office d’activité sportive. Je planifie celles-ci et les rattrape grâce au temps consacré à parcourir mon téléphone ou du temps de travail dans le tram et le train. Pour les trajets tardifs ou trop compliqués, j'utilise mon abonnement Cambio ou un Uber. Ces voyages me redonnent un sentiment de communauté. Tantôt une conversation entre amis quand le covoiturage est possible. Tantôt quand on se reconnait entre cyclistes sur la route. Un sourire instantané quand des enfants jouent dans le tram ou encore vous regardent depuis leur poussette.

Un changement de paradigme est donc nécessaire, de l’individuel vers le collectif. Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en ville, qui est à la fois lieu de travail et lieu de vie. Cette tendance ne va aller qu’en s’accélérant. Mettre en avant la collectivité en cadre urbain est primordial. La responsabilité incombe, surtout, aux pouvoirs publics. Commençons par remettre en question la fiscalité favorable à la voiture individuelle, quand celle-ci tombe, l’option collective deviendra aussi l’option la moins coûteuse. Améliorons l’accessibilité et la fréquence des transports en communs, et optons pour une meilleure infrastructure pour la mobilité douce.

Dans un climat de plus en plus anxiogène, des réflexes collectifs, et pas uniquement en matière de mobilité, pourront aussi nous redonner confiance l’un en l’autre. Croyez-moi, même une courte connexion avec un inconnu pendant vos déplacements, comme entre cyclistes aux feu rouges, fait passer votre journée à un niveau supérieur ! Un sentiment que vous ne retrouverez pas après un déplacement en voiture individuelle.