Il faut plus que croire en nos champions (L’Echo – 27/12/2013)

A quelques mois des élections, il nous semble de bon ton de rappeler le rôle que joueront nos PME dans la création de la richesse et du bien-être dont nous avons besoin demain. En effet, nos entreprises, petites et moyennes, représentent la grande majorité de l’emploi privé du pays et sont celles qui peuvent créer des milliers d’emplois. Sans aborder le débat sur la compétitivité, il y a lieu de mettre l’accent sur un défi majeur qu’il faudra relever pour assurer la croissance de nos PME : celui de leur financement via des solutions structurelles améliorant leurs fonds propres.

Tant en termes d’emplois, que d’exportations ou de recettes fiscales, les PME occupent une part primordiale dans notre tissu économique, tant au sud qu’au nord du pays. Leur financement est souvent délicat car le prêt aux petites et moyennes entreprises comporte un risque indiscutable et, a contrario des grandes entreprises dont notre pays est peu peuplé, elles ne reposent pas sur des trésors de liquidité et ne peuvent émettre des obligations auprès d’un marché globalisé. Se préoccuper de financer leurs activités doit donc être une de nos priorités.

Il serait faux d’imputer la responsabilité du manque de fonds propres des PME à l l’intermédiation bancaire. Car même si le crédit aux entreprises ne connaît pas un boom actuellement, il est faux de spéculer sur la peur d’un credit crunch vu l’importance des liquidités disponibles aujourd’hui sur les marchés financiers. Même au plus profond des crises de ces dernières années, les banques ont d’ailleurs continué à prêter même si pour cela elles demandent de plus en plus de garanties Les banques ont également fortement réduit leurs effectifs, ce qui a entrainé une diminution de l’attention de celles-ci pour le plan d’affaires et le projet de l’entrepreneur. Quelle banque aujourd’hui garde encore une partie du risque et s’investit réellement aux côtés des entrepreneurs ?Hormis d’éventuelles problématiques sur leurs capacités à prêter à long-terme suite à certaines régulations, le problème ne se trouve pas – et beaucoup de banquiers vous le diront en privé – chez les banques mais bien dans la structure financière de nos entreprises. Ce qui leur manque sont des fonds propres. C’est bien ici que se trouve le paradoxe de notre économie. Les ménages belges engrangent une épargne opulente mais ne semblent vouloir la réinvestir dans l’économie que via la brique ou leur compte en banque ; ce qui découle sur un immobilier devenant dangereusement onéreux et des entreprises invariablement accros aux crédits bancaires. Ce manque d’investissement réel – un crédit n’étant qu’un transfert financier temporaire – est un aspect clefs de la problématique.A ce niveau, une prise de conscience au niveau politique mais surtout citoyenne est indispensable. Notre pays possède de nombreuses PME en bonne santé, capables de grandir davantage, ce qu’a confirmé récemment le VOKA dans une étude sur les « hidden champions ».Trop peu d’initiatives publiques que cela soit via la fiscalité, la régulation ou même l’investissement direct se donnent pour mission de palier à ce phénomène. Hormis les intérêts notionnels, dont plus personne, y compris son concepteur, ne croit en la capacité à accroître les fonds propres des entreprises ‘réelles’, le win-win lening en Flandre et les prêts subordonnés des autorités régionales, il manque d’initiatives structurantes, à même de changer le rapport culturel entre le citoyen investisseur et les PME de ce pays.

Les financiers font eux aussi preuve d’un cruel manque de créativité. Il est en effet rare de trouver une banque belge proposant à ses clients l’investissement dans un fonds PME (s’il existe). Quand il doit offrir une alternative aux comptes d’épargne, le banquier ne peut pas trouver mieux que des fonds obligataires ou boursiers. Les assureurs ne sont d’ailleurs pas plus inspirés. Des milliards sont investis par les belges via les fonds des deuxièmes et troisièmes piliers de pensions. La rémunération confortable du gestionnaire (assureur) ne justifierait-il pas de davantage d’initiatives que de se contenter de choisir entre différents fonds d’actions ou d’obligations ?La croissance de demain ne percolera pas sans que l’on s’y investisse. Améliorer notre éducation, renforcer les liens entre école et monde de l’entreprise, accroître notre taux d’emploi par une politique active et par la prolongation des carrières sont autant de mesures qui font sans doute du sens. Mais accroître la productivité de notre capital, au bénéfice de tous, doit également être à l’agenda.

Il reste à espérer que 2014 permettra à une série d’initiatives d’émerger, idéalement coordonnées, pour permettre à nos citoyens d’investir dans nos PME pour en favoriser le développement. En dépit de la proximité sémantique, croire en nos entreprises ne se résume pas qu’à leur faire crédit.