Maak van weerbaarheid een maatschappelijke kracht

Faire de la résilience une priorité collective

Cet été, le Groupe du Vendredi consacre sa série d’opinions estivales au thème de la résilience. Comment notre société peut-elle se remettre d'une crise ? Et surtout, comment peut-elle s’y préparer efficacement ? Dix vendredis, dix articles, chacun explorant une facette de la résilience sociétale - de l'énergie à la démocratie, de la santé mentale à la technologie, de l’éducation aux infrastructures. Thibault Viaene, coprésident du Groupe, ouvre le bal aujourd'hui.

À l'automne dernier, la Suède a distribué à cinq millions de foyers une brochure intitulée “En cas de crise ou de guerre ”. Le document liste des gestes simples à adopter : stocker de l'eau, avoir une radio à piles, connaître l'abri le plus proche. Le message est clair : la sécurité nationale n’est pas que l’affaire des militaires, mais aussi celle des citoyens.

Ces dernières années, plusieurs événements ont révélé nos angles morts. Les inondations en Wallonie en 2021 ont submergé des communes entières, sans coordination efficace entre les niveaux de pouvoir. La pandémie de Covid-19 a mis à nu la fragilité de notre système hospitalier et de nos chaînes logistiques. L’invasion de l’Ukraine a rappelé notre dépendance au gaz russe et mis en lumière l’urgence d’une sécurité énergétique européenne.

En Belgique aussi, la conscience grandit que la stabilité n’est pas acquise. Le Centre de crise national organise une campagne pour inciter les citoyens à se préparer à d’éventuelles crises. Les ministres évoquent désormais des scénarios de guerre, des cyberattaques, des pénuries ou des sabotages. Ce qui relevait hier de la science-fiction est aujourd’hui envisagé - parfois à contrecœur, mais de plus en plus ouvertement.

Cette nouvelle tonalité suscite néanmoins des interrogations. Faisons-nous peur aux gens ou les invitons-nous à un réalisme sain ? Ce qui rassure les uns - la certitude qu’un plan existe, voire un mode d’emploi - peut semer l’inquiétude et la méfiance chez les autres.

Le débat commence véritablement lorsqu’on accepte une pensée inconfortable : le monde n’est pas un endroit bienveillant. Ce que nous avons pris pour acquis ces sept dernières décennies - prospérité, paix, démocratie - n’a rien d’évident. Partout, des forces agissent dans l’ombre, prêtes à ébranler notre mode de vie.

Ces menaces prennent bien des formes. Parfois, ce sont des puissances géopolitiques qui cherchent à affaiblir nos valeurs. Parfois, c’est la nature qui frappe : sécheresses, inondations, pandémies. Parfois enfin, c’est le simple hasard, qui, sans motif ni logique, met un système à l’épreuve.

Le chantier est immense. Une société qui se veut durable cultive l’anticipation. Elle développe sa résilience. Non par peur, mais par responsabilité. Elle sait que le destin ne s’annonce pas en fanfare. Il ne toque pas à la porte, il la défonce. La résilience n’est pas un réflexe, mais une discipline quotidienne. Elle exige un État capable de penser à long terme, des institutions robustes, et des citoyens formés, engagés.

Le mot « résilience » est aujourd’hui omniprésent, mais rarement compris, encore moins mis en œuvre. Des plans existent - à l’OTAN, au niveau européen, en Belgique - mais ils sont fragmentés, méconnus, et peu traduits dans la vie quotidienne. Dans certaines communes flamandes, des programmes pilotes encouragent déjà la constitution de kits d’urgence, des formations aux premiers secours, ou des exercices de gestion de crise. Mais ces initiatives restent trop rares.

Ces plans ne concernent d’ailleurs pas uniquement les affaires militaires. En Belgique, des simulations montrent que certains centres de données critiques ne disposent que de quelques jours d’autonomie énergétique. En 2022, la cyberattaque contre l’hôpital de Jolimont a paralysé les soins pendant plusieurs jours. Et la crise logistique post-Covid a révélé la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement “just-in-time”. Ces éléments essentiels du débat restent largement absents de la sphère publique. Il est temps d’y remédier.

Nous voulons rendre cette réflexion tangible. Pas en la simplifiant, mais en la clarifiant. Pas en la réservant aux technocrates, mais en l’ouvrant à tous. Car la résilience n’est pas qu’une affaire d’experts ou de décideurs : elle nous concerne toutes et tous. Ce débat doit être compréhensible pour les citoyens, utile aux responsables politiques, applicable par les administrations, et alimenté dans l’espace public. C’est dans cet esprit que nous écrivons.

Il ne s’agira pas d’une série d’articles alarmistes. Nous faisons le choix d’un mot exigeant - résilience - plutôt que d’une illusion : celle de l’invulnérabilité. Car rien d’humain n’est invulnérable. Mais les individus comme les institutions peuvent s’adapter, plier sans rompre, apprendre à se corriger avant que tout ne déraille. Encore faut-il en tirer des leçons après coup : ce qui a fonctionné, ce qui a échoué, ce qu’il faudra faire autrement la prochaine fois.

Il ne suffit pas que quelques experts rédigent des plans dans un bureau. Il faut que ces plans résonnent chez les enseignants, les entrepreneurs, les familles. Nous vous invitons non seulement à lire, mais à réfléchir, débattre, contester - car la résilience est une affaire collective, vivante, partagée.