Pexels leah kelley 325521

Eupen, cœur de la Communauté germanophone

Départ en train de Bruxelles à 8h. Excitée de passer cette journée avec Daniel. C’est ma première découverte d’Eupen, 20.000 habitants, capitale de la Communauté germanophone. Une occasion de comprendre celle-ci.

Daniel m’accueille à la gare. Ses premiers commentaires : sans la Communauté germanophone et la présence de son gouvernement à Eupen, cette gare aurait déjà été supprimée car Eupen n’est pas une destination prioritaire. Je me rendrai compte plus tard dans la visite, que d’autres services publics dans la ville, comme l’un des 2 hôpitaux germanophones, existent toujours grâce aux négociations des gouvernements germanophones consécutifs, dont Daniel est très reconnaissant.

La ville haute, cœur des institutions de cette Communauté fière de son identité distincte

Nous commençons notre périple par la visite de la ville haute, accueillant l’ensemble des institutions de la Communauté, le gouvernement et son administration. Lors de nos premiers échanges, une question me vient à l’esprit : « Qui sont les habitants d’Eupen et de la Communauté germanophone ? Se sentent-il rattachés à la Wallonie ? ». Daniel me répond qu’on ne se sent pas plus wallon que flamand ici. Les habitants se définissent comme belges germanophones, attachés à leur pays. La langue allemande joue évidemment un grand rôle dans la construction d’une identité distincte. Tout comme le fait que cette population de 79.383 habitants (en 2023) constitue une Communauté institutionnelle à part entière avec son gouvernement, son parlement, et ses institutions.

Daniel insiste aussi sur le fait que rien n’est jamais acquis pour sa Communauté, qui doit constamment rappeler à ses partenaires interfédéraux qu’elle possède une voix à part entière, encore plus à l’approche des élections et d’une possible réforme de l’Etat. C’est dans cet état d’esprit que la marque « Ostbelgien » a été créée en 2017, comme outil efficace de promotion de la Communauté germanophone et de ses artisans et pour rappeler au reste de la Belgique qu’ils existent.

Dans cette logique d’identité distincte, on observe ces dernières décennies des transferts de compétences régionales de la Wallonie vers la Communauté, qui est maintenant responsable de 80% de celles-ci. La Communauté cherche à gérer les compétences qui sont le plus efficacement prises en charge au niveau proche du citoyen: éducation, santé, petite enfance, emploi, tourisme et bien d’autres. L’idée est d’intégrer plusieurs services publics en un pour plus d’efficacité et d’aide aux citoyens, tout en réduisant les coûts.

Au fil de notre promenade, Daniel me montre différents bâtiments bien entretenus, où ces compétences sont gérées. Il est clair que la présence de ces institutions gouvernementales profite à la ville, où l’administration publique est d’ailleurs le premier employeur.

Carrefour à double tranchant

Daniel me confirme que la Communauté germanophone se porte bien. Une longue histoire industrielle, impliquant la présence de l’industrie du textile au 18-19e siècle, mais aussi la particularité géographique, a contribué au fleurissement de l’économie locale. « On a l’habitude de traverser les frontières » me confie Daniel, beaucoup de jeunes vont d’ailleurs étudier à Aix-la-Chapelle ou à Maastricht. Les échanges commerciaux et accords de coopération sont nombreux, avec des partenaires partout en Europe.

Cette situation géographique favorable a toutefois un revers. La proximité avec d’autres pôles économiques attractifs, pousse souvent les jeunes à partir, en Allemagne notamment. Résultat : un vieillissement de la population et un manque de main d’œuvre qualifiée sur place. A entendre Daniel, Le problème devrait empirer ces prochaines années.

La ville basse, tout en contraste

Après la ville haute, on termine notre visite par la ville basse. Un bassin ouvrier où l’on retrouve la plus grande entreprise du coin, « Kabelwerk Eupen », qui emploie plus de mille personnes. Les inondations de l’été 2020 ont accentué le contraste : la Vesdre a fait des dégâts matériels énormes encore visibles maintenant, notamment à la Câblerie, détruisant l’ensemble des installations de production. Heureusement, les habitants ont pu compter sur le soutien de la ville d’Eupen, la Communauté germanophone, la Région wallonne et l’Etat fédéral pour reconstruire et mieux s’adapter aux risques futurs. Cet événement dramatique a marqué les esprits, mais nous rappelle la force d’une solidarité et unité nationale dans les moments difficiles.

Le temps est passé vite. Déjà, je dois repartir vers Bruxelles. J’ai découvert un exemple de plus de la complexité de notre pays, mais aussi de sa richesse culturelle et linguistique. Le fonctionnement de cette communauté et la force de ses institutions peut certainement nous inspirer dans la gestion indépendante de certaines compétences au niveau local.

Cet article a publié sur L'echo.be le 11/8/2023