Begroting wordt evenwichtsoefening met drie gewichten

Endettement sous contrôle, investissements productifs et cohésion sociale : une « impossible trinité » à la belge ?

Valère Piérard, étudiant à la John F. Kennedy School of Government de l’université de Harvard et membre du Groupe du Vendredi

À l’aube des années 60, l’économiste Robert Mundell a introduit la désormais célèbre théorie de l’« impossible trinité ». Ce concept décrit l'impossibilité pour un État de concilier simultanément taux de change fixe, mobilité parfaite des capitaux et contrôle de sa politique monétaire. Depuis, les triangles d’incompatibilité sont devenus un outil prisé des économistes pour illustrer une situation dans laquelle les décideurs doivent choisir deux priorités parmi trois objectifs irréconciliables simultanément.

L’actualité géopolitique récente, combinée à des transformations plus profondes des économies occidentales (démographie, technologie,…), place le gouvernement belge face à des choix cruciaux. Des choix politiques qui, à un moment de grands bouleversements mondiaux, contraindront l’Arizona à des arbitrages difficiles. Les objectifs d'assainissement budgétaire, d'investissements productifs et de cohésion sociale semblent de plus en plus irréconciliables. Sommes-nous face à une impossible trinité à la belge ?

Stabiliser l’endettement malgré les nouvelles dépenses

Le Premier Ministre et les membres du gouvernement l’ont répété à plusieurs reprises : l’assainissement budgétaire sera une pierre angulaire de leur action. Pour atteindre son objectif de ramener le déficit sous les 3% du PIB à l’horizon 2029 et de maîtriser l’endettement public, le gouvernement a prévu de nombreuses réformes visant à réduire les dépenses de l’État.

Pourtant, l’augmentation annoncée du budget de la défense risque de compliquer la tâche de nos ministres. Non seulement cette hausse de la contribution au secteur de la défense n’est aujourd’hui pas financée de manière pérenne, mais le gouvernement pourrait aussi devoir rapidement consentir à d’autres nouvelles dépenses dans l’innovation et la transition climatique, si l’Union européenne faisait le choix de suivre les recommandations du rapport Draghi.

Si personne ne doute du bien fondé de ces dépenses, elles ne seront conciliables avec les promesses budgétaires qu’au prix de réformes structurelles supplémentaires. Une question se pose toutefois : réduire davantage les dépenses de l’Etat, notamment celles de protection sociale, est-il réaliste dans le contexte social actuel ?

C’est au gouvernement d’en juger. Une chose paraît toutefois claire : ces réformes devront générer des effets substantiels pour donner au Premier Ministre une chance de ramener le déficit sous les 3%. Cela est d’autant plus vrai que les mesures actuelles n’atteindront probablement pas les économies escomptées, comme l’a souligné la Cour des comptes.

L’impossible trinité et la nécessaire transparence du gouvernement

Soyons francs : le gouvernement se trouve face à une équation très difficile. Il devra choisir rapidement. Quelles priorités fixera-t-il : la stabilisation budgétaire, les investissements productifs et de défense ou la cohésion sociale ?

Renoncer à l'un de ces objectifs fait courir des risques importants au pays. Poursuivre sur la voie d’une politique budgétaire non soutenable reporte le fardeau sur les prochaines générations et mènera à une hausse mécanique du coût de son endettement. Ne pas consentir à une hausse des investissements, à l’heure d’une rivalité technologique sans précédent, pourrait menacer les leviers de notre future prospérité et empêcher le pays de tenir ses engagements climatiques.

Quant aux réformes supplémentaires, ont-elles une chance d’être perçues autrement que comme un signe d’érosion de la solidarité nationale ? Le volet social de l’accord de gouvernement, qui comprend notamment un allègement de la fiscalité sur les bas salaires et un renforcement de la prévention dans notre système de santé, pourrait tarder à produire ses effets. Pourtant, la menace d’une rupture du contrat implicite sur lequel repose notre système de protection sociale pourrait conduire à davantage encore de polarisation.

Le pays est bien face à une impossible trinité. Si deux objectifs sont probablement atteignables, le gouvernement ne pourra tenir tous ses engagements. Il devrait profiter du soutien populaire dont il bénéficie actuellement pour redéfinir des objectifs crédibles et annoncer ses intentions de manière transparente et concertée. Donner l’illusion qu’il pourra tenir ses promesses fait courir le risque que son action soit rapidement incomprise, voire rendue inefficace.