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Des assemblées citoyennes pour compléter notre arsenal participatif

À Stars Hollow, coulisse fictive des Gilmore Girls (série US-américaine), les « town meetings » hebdomadaires sont épiques. Dans la grange locale, le dénommé Taylor Doose, maire, profite de ces assemblées municipales pour tenir des argumentaires typiquement grotesques et obtenir des votes populaires.

Si l’exemple est anecdotique, le contexte évoqué n’est pas sans intérêt. Autant la ville bien réelle de Washington Depot (Connecticut) inspire Stars Hollow, autant les town meetings s’y tiennent véritablement, au moins deux fois par an, afin de réunir les habitants pour voter certaines décisions. En mars 2022, l’ordre du jour se consacra à la création d’un fonds pour un logement abordable, l’acquisition de biens immobiliers, ou encore le stockage de matériels de vaccination COVID-19.

Pratiqués notamment dans la région américaine de la Nouvelle-Angleterre, les town meetings et town hall meetings se tiennent selon des règles et coutumes variables. Dans le Connecticut, le town meeting, composé par la plupart des citoyens, vote des articles préalablement publiés sous forme d’ordres du jour formels. Quant au town hall meeting (ou town hall), celui-ci réunit citoyens et politiciens locaux ou nationaux. Sans prise de décisions, on y discute des sujets d'intérêt ou des nouveaux projets de législation.

En Europe, depuis les années 2010, les voix réclamant plus de participation citoyenne se multiplient et ne restent pas sans résultats remarquables. En Belgique, le « Bürgerdialog » (dialogue citoyen) institué en février 2019 par la Communauté germanophone réunit avec succès des citoyens tirés au sort et a retenu l’attention de la presse internationale jusqu’aux New York Times, The Economist, et, plus proche de chez nous, du Groupe du Vendredi.

Si en revanche, en matière de participation, les town meetings et town halls restent une exception au sein de notre paysage démocratique, leurs potentiels de mobilisation citoyenne méritent réflexion.

À très petit niveau, les assemblées municipales pourraient compléter l’arsenal participatif existant. Celles-ci permettraient aux citoyens de proposer des projets très concrets auxquels ils s’identifieront facilement au sein de leur quartier ou leur village. Ainsi, elles contribueraient à l’esprit communautaire au niveau local.

Dans un premier temps, la tenue d’une assemblée ne dépendra que de la volonté et de l’action publique : libre aux citoyens de s’organiser, de se doter de structures et de règlements propres et de répondre à des appels à projets pertinents. Libre aux communes concernées, ensuite, de soutenir ces initiatives, de mettre à disposition des fonds conséquents et de donner suite aux propositions citoyennes. Dans un modèle plus poussé, la commune intègrera formellement l’assemblée dans ses processus démocratiques internes. L’assemblée pourra même être dotée, par voie décrétale dans le cadre des pouvoirs locaux, d’un réel droit d’initiative. Ainsi, similairement au modèle US-américain, le citoyen y contribuera directement à la politique de sa commune.

Tout aussi intéressants, des town halls (citoyens et représentants de tous les niveaux de pouvoir, tous partis confondus) ouverts à tout public donneraient à nos structures institutionnelles complexes des visages plus concrets et plus palpables. Décentralisés au sein des circonscriptions électorales, ces séances d’échange critique ouvriraient aux électeurs la possibilité d’entrer en contact plus immédiat et plus régulier avec leurs mandataires, de prendre connaissance des projets en cours, de mieux cerner les responsabilités respectives et de confronter les mandataires à leurs questions. À base d’une coordination efficace au niveau des pouvoirs locaux ou de la société civile, le succès des town halls ira de pair avec le courage et de la bonne volonté des politiques. Plus systématique ensuite, un projet (inter-)parlementaire pourrait mener à une implémentation plus générale du concept au niveau d’une région ou du pays entier.

Town meetings et town halls, les deux formules constituent des finalités propres qui, comme au Connecticut, peuvent coexister de manière bénéfique. Dans les deux cas, les réflexions institutionnelles en cours pourraient constituer un moment-clé pour initier de premiers projets-pilotes. En effet, depuis le lancement de la plateforme « un pays pour demain » en avril 2022 par le gouvernement fédéral, la participation est à l’ordre du jour. Au niveau national comme au niveau local, l’opportunité est à saisir.

Cet article est publié sur L'Echo.be le 6/5/2022