Big is also beautiful (L’Echo - 14/06/2013)
Il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que l’un ou l’autre commentateur ne vienne nous rappeler l’importance des petites et moyennes entreprises (PME) dans notre tissu économique. Au niveau politique, le soutien aux PME est devenu une sorte de prédication, une solution miracle et, à ce titre, doit faire l’objet de tous nos efforts. A l’instar de la classe moyenne, il est aujourd’hui une obligation pour chaque institution de notre pays, sinon de les défendre, du moins d’y prétendre.
A l’évidence, la promotion dont jouissent les PME est amplement justifiée. D’un point de vue économique, elles représentent une part majoritaire de l’activité et de l’emploi dans l’économie belge et européenne. D’un point de vue de la morale politique, il est également plus justifiable de défendre le capitalisme à visage humain que de nébuleuses multinationales pratiquant l’éviction fiscale à tout va (les récents exemples d’Apple, Amazon ou Starbucks sont là pour nous le rappeler). Néanmoins, le réflexe mécanique à considérer ce groupe cible comme la réponse à tous nos maux crée, ou risque d’engendrer, des distorsions non souhaitables.
Tout d’abord, puisqu’il faut bien définir ce qu’est une PME pour pouvoir leur attribuer des avantages, cela risque d’induire des effets de seuil. Par exemple, de nombreuses entreprises rechignent à dépasser le seuil de cinquante travailleurs, synonyme de comité d’entreprises et d’un droit du travail plus strict. A l’heure où les intentions d’embauche restent au plus bas (voir l’Echo du 11 juin), cela ne semble pas du plus opportun. Au niveau fiscal, pour lequel il existe un triple seuil (taille du bilan, chiffre d’affaires et nombre d’employés), cela peut inciter certains dirigeants à ne pas trop faire croître leur chiffre d’affaire ou leur bilan, afin de pouvoir continuer à bénéficier de certains avantages.
Ensuite, de nombreuses études économiques dans différents secteurs tendent à montrer que la productivité par travailleur est plus grande dans les grandes entreprises que dans les PME. Les moyens que les grandes entreprises allouent à la recherche et aux investissements sont également plus substantiels. À l’évidence, de nombreuses avancées économiques et/ou technologiques ne sont tout simplement pas imaginables sans le poids et les moyens d’actions d’organisation d’une certaine taille.
Enfin, le financement des PME est essentiellement assuré par le biais du financement bancaire. Ceci explique d’ailleurs, en partie, pourquoi l’Europe, dont l’économie est davantage composée de PME, est plus dépendante financièrement des banques que ne le sont les Etats-Unis. Une moins grande emprise de l’intermédiation bancaire dans le financement des entreprises rend une économie également moins dépendante de ses banques. Un financement plus direct, malgré les initiatives de crowd-funding pour les PME, est néanmoins l’apanage de plus grandes entreprises.
Il serait évidemment niais d’estimer que les PME ne requièrent pas des mesures spécifiques. Mais il est primordial que ces mesures répondent véritablement aux besoins de développement des entreprises et des entrepreneurs, et n’induisent pas d’effets pervers, tels que celui de limiter les incitants à grandir. Pour ce faire, il y a lieu de déterminer quelles sont les freins réels à la création et au développement des PME. L’accès au financement et à la liquidité en font certainement partie. Une structure de coût plus légère, dans un premier temps, afin d’assurer un développement serein, l’est également. Il y a néanmoins certainement matière à réflexion quand des avantages fiscaux et sociaux sont accordés de manière permanente, et ce afin d’éviter des distorsions auxquelles, d’un point de vue politique, personne ne s’oppose mais qui n’ont pas de justifications économiques en tant que tel. Pour cela, il y a lieu de ne pas utiliser les PME, à l’instar du concept de la classe moyenne, comme slogan politique. L’objectif d’un entrepreneur n’est pas de créer une société afin qu’elle reste modeste. Il n’y a pas de raisons que des structures juridiques l’incitent à en décider autrement.