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Agressions contre les cyclistes : un problème d’infrastructure

Fin décembre 2023, une vidéo circule. Celle d’un cycliste qui se fait agresser par un automobiliste à Etterbeek. L’automobiliste, coincé derrière le cycliste, claxonne ce dernier pour d’abord le doubler avant de s’arrêter brusquement de manière à lui barrer la route et de l’insulter. De telles scènes ne sont malheureusement pas des incidents isolés. Il faut toutefois reconnaitre que le cycliste peut être tout autant source de frustration pour l’automobiliste que l’inverse. A qui la faute ? Aux cyclistes ? Aux automobilistes ? Plutôt que de se blâmer réciproquement, il faut convenir que la source de ces frustrations mutuelles est une infrastructure routière inadaptée aux besoins de ses utilisateurs.

L’exemple-type sont les voies cyclables qui ne consistent qu’en quelques lignes dessinées à l’extrême droite sur une route restée telle quelle. Généralement, lorsqu’une voiture roule sur la route en question, la piste cyclable disparait plus ou moins dans son entièreté : cycliste frustré. A défaut d’infrastructure adéquate, ce cycliste frustré essaye de se frayer un chemin entre les voitures : automobilistes énervés. Au bout du compte, la tension augmente alors que la conduite des utilisateurs se détériore. Le résultat : un climat social abîmé et un danger permanent pour les usagers.

Ayant vécu deux mois à Copenhague, j’ai fait l’expérience du scénario opposé. Leur solution : des voies cyclables clairement distinctes des routes, qui génère une conduite cycliste beaucoup plus organisée. Par exemple, le cycliste qui ralentit lève la main pour annoncer sa manœuvre à ceux qui le suivent. Ou encore le cycliste qui doit atteindre une destination à l’autre bout de la route ne croise pas celle-ci à l’endroit qui l’arrange le mieux. Il doit continuer de rouler jusqu’au premier point où il peut opérer un demi-tour pour ensuite pédaler en sens inverse et enfin – moyennant un petit détour – arriver à sa destination sans risquer de gêner d’autres conducteurs. Ce ne sont là que des exemples.

L’idée sous-jacente est qu’une infrastructure adaptée améliore la manière dont les utilisateurs utilisent cette infrastructure. Une infrastructure adaptée aux besoins des utilisateurs crée un cercle vertueux tandis qu’une infrastructure inadaptée crée un cercle vicieux. Sortons donc du cercle vicieux actuel. Deux solutions s’imposent : adapter l’infrastructure d’abord, ensuite modifier les règles applicables aux différents utilisateurs de cette infrastructure.

Depuis la seconde guerre mondiale, le but principal de l’aménagement urbanistique a été de fluidifier la circulation de voitures. Ainsi, cyclistes et autres utilisateurs des voies publiques sont traités comme des phénomènes accidentels dans un espace publique dédié à la voiture. C’est un choix politique dont nous héritons aujourd’hui. Celui-ci n’est plus tenable, non seulement pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons de sécurité et de bien être en ville (cf. carte blanche d’Henriette de Robiano). Il faut donc repenser l’infrastructure urbaine en mettant la mobilité douce au centre, quitte à parfois défavoriser les voitures. Les choix qui ont été fait pour assurer la coexistence des automobilistes et des cyclistes sur les mêmes voies s’avère inadéquat et dangereux à court et à long terme.

Autre constant : notre code de la route a été conçu pour la circulation de voitures. Ces règles ne sont pas toujours adaptées aux cyclistes (champ de vision, temps de réactions, etc.). Un cycliste est beaucoup plus exposé aux risques d’accidents graves qu’un automobiliste. Il doit respirer la fumée des pots d’échappements et braver le temps belge. Autant de raisons de le protéger et le favoriser davantage. Je ne suis pas expert en code de la route, mais il me semble que ce sont des considérations à prendre en compte pour une refonte de ce code.

Des villes tels que Copenhague, et des initiatives comme copenhagenize.eu, montrent l’exemple, en expliquant les bienfaits liés à la mobilité douce. Ce site propose par ailleurs des conseils en matière de transition urbaine vers des voies publiques plus adaptés aux cyclistes. C’est en agissant à la source du problème qu’on enclenchera le cercle vertueux que j’ai eu le bonheur de vivre à Copenhague, plutôt que le cercle vicieux que je vis en Belgique, et à Bruxelles tout particulièrement.