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Réparer plutôt que jeter ? Ou quand “la suédoise” serait bien inspirée de suivre la Suède

Pierre Harkay est économiste et membre du Groupe du Vendredi. Cet article est également paru dans L’Echo du 18 novembre 2016.

Il y a quelques jours, j'ouvrais mon réfrigérateur en préparant mon petit déjeuner et stupéfaction : le pauvre appareil a rendu l’âme pendant la nuit! Il venait pourtant tout juste de souffler ses deux printemps. Pas de chance, la garantie légale européenne est de deux ans, délai au-delà duquel les industriels ne sont plus obligés de réparer ni d’échanger les produits défectueux. Obsolescence programmée ou pas, des appareils qui ne tiennent pas dans la durée poussent le consommateur à acheter du neuf, car dans bien des cas la réparation n’est pas possible ou trop onéreuse.

En 2015, 111.356 tonnes d'appareils éleéctro- usagés ont été récupérés en Belgique, soit en moyenne 10kg par habitant. Ces chiffres ne tiennent pas compte des déchets « hors circuit », qui finissent dans des filières alternatives moins contrôlées, à l'exportation vers les pays en développement, ou tout simplement dans la nature. D'ailleurs, Interpol considère qu'en Europe, que les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) non-recyclés représentent une perte annuelle comprise entre 800 millions et 1,7 milliard d'euros pour les entreprises spécialisées dans leur valorisation.

Au niveau européen, les DEEE figurent parmi ceux qui connaissent la croissance la plus rapide, avec un taux de progression de 3 à 5 % par an. En Belgique, selon Eurostat, l'augmentation de ces déchets issus des gros appareils ménagers était de 73% entre 2005 et 2014 et de 72% pour les équipements informatiques et de télécommunication! Bien que de 90% de ceux-ci soient recyclés, reste que les besoins en énergie nécessaires à la production de ces appareils, à leur récolte en fin de vie et enfin à leur recyclage ont un impact environnemental et climatique négatif.

Alors que la COP22 se termine à Marrakech, un moyen simple de contribuer à la réduction de nos émissions de gaz à effets de serre (GES) serait de limiter le renouvellement de nos objets. A titre d’exemple, la fabrication d’une télévision à écran plat 32 pouces cause des émissions de 1,2 tonnes équivalents CO2, soit environ 13% des émissions moyennes annuelles d’un belge.

C’est ce que le ministre suédois des Finances et de la Consommation a bien compris. Profitant du momentum sur les questions climatiques depuis l'Accord de Paris, Per Bolund a mis sur la table deux propositions environnementales innovantes. Tout d'abord, d'ici janvier 2017, il propose que la TVA baisse de 25% à 12% pour les réparations d’un grand nombre d’objets quotidien aussi varié que les chaussures, les vêtements, les biens en cuir, les vélos,... Ensuite, les consommateurs qui feront réparer leurs appareils électroménagers pourront déduire fiscalement la moitié du coût de la main-d’œuvre liée à la réparation.

Grâce à ces mesures, le gouvernement suédois prévoit : (i) une baisse du volume des déchets (et par conséquent des émissions de GES); (ii) une hausse de la demande en main-d’œuvre peu diplômée mais hautement qualifiée au niveau technique ; et (iii) une stimulation du segment des produits de meilleure qualité, ayant généralement une durée de vie plus longue. Concernant l’effet sur l’emploi, la Suède espère que cela ouvrira les portes du marché du travail à de nombreux réfugiés en quête d’intégration. Ces deux mesures devraient coûter de l'ordre de 75 million d'euros (la Suède a avec ses 10 millions d’habitants un nombre équivalent d’habitants à la Belgiqueayant un nombre équivalent d'habitants à la Belgique) et seront financées par une augmentation des taxes sur des matériaux non recyclables ou difficilement recyclables et /ou réparables.

Et en Belgique, où en est-on ? D'après le tout récent sondage "Futuromètre", 91% des personnes interrogées estiment que pour « sortir de la crise », il faut changer le système et adapter nos modes de vie. C'est là un signal fort qui pourrait (devrait ?) pousser notre coalition suédoise à prendre des mesures environnementales plus ambitieuses. Une politique fiscale qui viendrait inciter à réparer nos objets défectueux ou abîmés, qu’ils soient électroménagers ou autre, pourrait nous mettre sur une voie plus durable, à un moment où le citoyen réclame du changement. Par ailleurs, afin de davantage sensibiliser et informer les citoyens, une campagne de communication massive sur cette problématique des DEEE (affichage dans le métro, à la TV, sur les réseaux sociaux, dans les écoles,...) aurait certainement un impact positif significatif.

Et mon frigo dans tout ça ? Après de nombreux coups de téléphone avec le service après-vente du distributeur et plusieurs tentatives de réparation, le verdict est malheureusement tombé : direction la déchetterie !