Quel avenir pour la diplomatie belge? (L’Echo - 19/04/2013)

Nos diplomates sont parfois perçus comme un anachronisme. Pourtant, à bien y réfléchir, la défense des intérêts belges à l’étranger reste un enjeu extrêmement important. Que cette mission incombe à des représentants des Régions ou à des diplomates fédéraux, ce qui compte avant tout, c’est de faire passer nos positions dans les institutions internationales, de garantir notre sécurité et de préserver notre prospérité économique. A cet égard, nous pouvons et nous devons faire beaucoup mieux. La diplomatie de demain comptera inévitablement un plus grand nombre d’acteurs, ce qui exige de mieux s’entendre et de fixer des priorités plus claires.

Dans un monde globalisé et étroitement interconnecté, les intérêts belges se fondent en grande partie avec les intérêts européens. Au niveau économique, ces intérêts indissociables comprennent : une coordination à l’échelle européenne et globale pour sortir de la crise (dans le cadre du G20 et du FMI essentiellement) ; l’accès aux marchés économiques émergents, tout en défendant les droits des sociétés et investisseurs européens ; ou encore, la négociation d’accords de libre-échange ambitieux, notamment avec les Etats-Unis, le Japon et l’Inde. La crise persistante et la soif de croissance ont accru l’acuité de ces intérêts et le besoin de les défendre. Le défi climatique, les questions de sécurité énergétique ou encore les turbulences dans le voisinage de l’Europe sont autant d’autres dossiers brûlants qui préoccupent tant la Belgique que ses partenaires européens.

Des divergences peuvent survenir quant à la manière de résoudre ces défis, mais l’intérêt est bel et bien commun. Il y a donc lieu de travailler à plusieurs niveaux. Au niveau national, bien entendu, la diplomatie belge demeure la clé de voûte de la politique extérieure. Mais cette diplomatie se doit de devenir de plus en plus flexible, en coordonnant tous les acteurs concernés au niveau national, car le ministère des affaires étrangères n’a pas le monopole de l’action externe, ainsi qu’au niveau régional et local. La diplomatie belge doit en outre s’intégrer dans des cadres européen et multilatéral complexes, lesquels offrent des effets de levier importants tout en ayant des limites claires.

Diplomatie économique

L’une des parties les plus visibles de notre diplomatie est ce qu’on appelle communément la “diplomatie économique”. Sa régionalisation a entraîné un coût non négligeable. Les autorités fédérales et régionales y consacrent plus de 400 millions d’euros par an. Toutes proportions gardées, c’est nettement plus que chez nos voisins. Mais cet investissement est-il pour autant un gage de qualité? La vérité est que nous n’en savons rien. Avant toute chose, nous plaidons donc pour qu’une évaluation de cette diplomatie économique ait lieu. Mais les indicateurs disponibles ne poussent guère à l’optimisme. La mission première de la diplomatie économique est d’assurer une bonne image de marque, de faire du “branding” comme on dit. Or, dans l’influente liste de Future Brand, la Belgique se trouve en queue de peloton en termes de relations commerciales. Essayez de parler de la Wallonie ou de la Flandre au Forum économique mondial de Davos, et on vous dévisagera avec étonnement.

Il suffit de se rendre dans n’importe quelle ville d’un pays émergent pour constater que la Belgique et ses Régions sont dans l’ombre de nos pays voisins. Notre représentation économique s’y limite généralement à une poignée d’attachés qui, souvent, cherchent davantage à se mettre des bâtons dans les roues qu’à coopérer. En revanche, nos voisins du Nord entretiennent, avec un budget moindre, toute une armée de spécialistes qui suivent chaque secteur à la loupe. Il n’est donc pas étonnant que nous perdions du terrain quand il s’agit d’attirer des investissements dans des secteurs importants, notamment industriels. Notre part dans les échanges internationaux s’est beaucoup plus fortement érodée que celle des Pays-Bas ou de l’Autriche. Certes, la diplomatie ne peut pas remédier à des dysfonctionnements économiques intérieurs, mais il y a des signes forts qui indiquent que notre approche, coûteuse et en ordre dispersé, n’arrange pas les choses.

Vers une diplomatie créative

Il est vital que nous reprenions notre diplomatie au sérieux. Nous ne voulons pas ici imposer un choix entre une poursuite de la régionalisation ou un retour à la centralisation de notre politique extérieure. Mais ce que nous voulons souligner, c’est qu’une diplomatie assise entre deux chaises et dont les compétences sont divisées est un gage d’inefficacité. Dès lors, nous concluons sur le besoin urgent d’une réflexion concernant les intérêts stratégiques globaux de la Belgique, ainsi que la manière de les poursuivre. Nous préconisons une nouvelle approche de la diplomatie, dite créative. Celle-ci s’articule sur plusieurs niveaux – villes, régions, Belgique, Benelux, UE, et multilatéralisme – et doit donc être nécessairement bien coordonnée. Elle se veut également très souple, non conventionnelle en impliquant des ONG et académiques, ou encore moderne en utilisant notamment les nouvelles technologies de communication. La diplomatie créative perçoit également les connections étroites entre les questions politiques, géopolitiques, ou économiques. Le monde change. L’Europe et la Belgique évoluent. Notre diplomatie doit s’adapter.