Female movies

Les films de réalisatrices sont trop rares sur les plateformes vidéo

Chères plateformes de vidéo à la demande, réconfort de nos soirées confinées, trouvez-nous un moyen pérenne de mettre à l’honneur les films de grandes réalisatrices d’hier et d’aujourd’hui !

L’époque est incontestablement propice à parfaire sa culture cinématographique… Après avoir enfin vu des classiques tels que La femme d’à côté de Truffaut ou Le Guépard de Visconti, fait des cauchemars sur le thème de Mulholland Drive de Lynch et chanté pendant une semaine sur le ton des Parapluies de Cherbourg de Demy, voilà qu’à la faveur d’un podcast suggéré par ces chers algorithmes, je tombe sur la très belle interview d’Iris Brey, critique de séries et de cinéma, enseignante à l’université de Californie à Paris et autrice de « Le regard féminin : une révolution à l’écran » (2020). Cet ouvrage explique les notions de male et de female gaze.

Les notions éclairantes de Male gaze et Female gaze

Au risque de simplifier le propos, le male gaze ou regard masculin désigne le fait que le regard masculin hétérosexuel nous est imposé, notamment à travers le cinéma, en transformant, dans les films, les femmes en objets de désir passives et convoitées par les hommes. Les hommes tenant, quant à eux, dans ces mêmes films, le rôle de moteurs du récit, actifs et narrateurs de l’action. Le Collectif 50/50, qui œuvre à la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, a ainsi constaté que seuls 48% des films les mieux financés en 2019 comportait une scène dans laquelle deux femmes, qui ont un nom, parlent entre elles d’autre chose que d’un homme (selon les critères du test de Bechdel, qui permet de rendre tangible ce déséquilibre entre homme et femme dans les films).

Le female gaze, ou regard féminin, propose, quant à lui, une autre manière de filmer, de raconter des histoires, de les évaluer en terme critique et d’enseigner le cinéma, qui ne propose pas d’objectiver les hommes en retour, mais de faire vivre aux spectateurs et aux spectatrices une expérience féminine, racontée du point de vue d’un personnage principal qui s’identifie en tant que femme.

Cette interview m’a fait subitement prendre conscience que tous ces classiques sont des films de réalisateurs…

Les films de réalisatrices sont trop rares

On le sait, la représentation des femmes dans le cinéma est des plus faibles. Le LAB des femmes note, dans son étude qualitative sur la place des réalisatrices en Europe, mise à jour en 2020, que : « à la sortie des principales écoles de cinéma, en moyenne, 50% des diplomé.e.s sont des femmes » et pourtant en Belgique seuls 21% des films sont l’œuvre de réalisatrices. Le Collectif 50/50 précise en outre que : « plus les budgets augmentent, moins les femmes sont présentes ; elles disparaissent même au-dessus de 20 millions d’euros ».

Il est donc important que les –déjà trop rares– films de réalisatrices puissent être vus par le plus grand nombre. Certes, il existe de belles initiatives à ce sujet, telles que le festival Elles Tournent -Dames Draaien.

Les plateformes doivent contribuer à les rendre visibles.

Toutefois, aujourd’hui, les plateformes de vidéo à la demande prennent de plus en plus de place dans la consommation de films. Un rapport de PWC indique même qu’en 2020, crise sanitaire oblige, les recettes de ces plateformes dépasseront celles des salles de cinéma. Mais en 2018 déjà, « un internaute belge sur quatre (24%) déclar(ait) avoir recours à des services de streaming commerciaux comme Netflix », selon une étude réalisée par Statbel.

Il est donc essentiel que les films de réalisatrices soient vraiment accessibles sur les plateformes grand public, c’est-à-dire qu’ils y soient disponibles et suggérés. 80% des programmes que nous regardons sont issus des recommandations des fameux algorithmes de suggestion des plateformes. Or ces dernières sont basées sur les programmes regardés par le passé, qui se trouvent récupérés, stockés et recoupés. Des suggestions qui nous pousseront donc à continuer à regarder des films de réalisateurs…

En outre, Marine Van Der Kluft de Numérama, qui a analysé le catalogue de série de Netflix, n’a relevé que 16 % de réalisatrices chez Netflix. Soit encore moins que le pourcentage de films réalisés par des femmes.

Chère plateformes de vidéo à la demande, à un peu plus d’une semaine du 8 mars –Journée Internationale pour les Droits des Femmes– il vous reste tout le temps nécessaire pour nous annoncer une évolution de vos catalogues et de vos algorithmes garantissant une belle représentation des films de réalisatrices dans vos suggestions. … Vos client.e.s comptent sur vous !