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Numériser les services, sans exclure

Alors que la poussière retombe seulement sur les isoloirs, une nouvelle échéance électorale, en octobre prochain, approche à grands pas pour le citoyen belge. Les vainqueurs de ces dernières élections régionales ayant fait de l'efficacité leur maître mot, un thème s’impose avec force: la numérisation des services publics.

Mais attention, si elle représente une opportunité pour améliorer l'accès aux services, optimiser leur efficacité et renforcer la transparence de l'action publique, il faut absolument éviter les écueils d’une numérisation à outrance. Au risque d'encore renforcer les inégalités.

Les promesses de la numérisation
Les avantages de la numérisation sont indéniables. Les plateformes numériques simplifient et accélèrent les démarches administratives en permettant aux citoyens d'accéder plus facilement et plus rapidement à une multitude de services, de la demande d'actes de naissance au paiement des taxes locales. En outre, la disponibilité en ligne des services publics rend ceux-ci accessibles au plus grand nombre, y compris les personnes à mobilité réduite et celles vivant dans des zones éloignées.

Cette accessibilité accrue est complétée par la flexibilité offerte par les services en ligne, disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La numérisation peut également permettre une plus grande transparence et une amélioration de la participation citoyenne. Les outils digitaux permettent au citoyen de suivre en temps réel les décisions communales, consulter les budgets et les projets en cours, et participer activement aux consultations publiques, même à distance. Alors que nombreux sont ceux qui se désintéressent de la gestion publique, ces technologies peuvent renforcer la démocratie locale et accroître l’implication des habitants dans la gestion de leur commune.

Les risques d’une numérisation aveugle
Cependant, cette utopie technologique ne se réalisera que si elle est mise en œuvre avec discernement. De trop nombreux projets de numérisation ont eu pour effet pervers de marginaliser les citoyens les plus vulnérables. Il suffit de penser aux nombreuses fermetures de guichets bancaires pour favoriser l’e-banking ou encore à l’obtention du Covid Safe Ticket.

Le baromètre "inclusion numérique" de la Fondation Roi Baudouin révèle qu’en 2023, 40% des Belges âgés de 16 à 74 ans sont en situation de vulnérabilité numérique, soit parce qu'ils n'utilisent pas internet (5%) ou en raison de leurs compétences numériques limitées (35%). Cette difficulté à manier les outils digitaux les rend parfois incapables de naviguer dans des procédures en ligne complexes et s’ajoute à une difficulté de compréhension du vocabulaire administratif.

Les besoins des personnes vulnérables sont encore difficilement pris en compte par les concepteurs de ces interfaces. Aussi, plus d’un ménage pauvre sur dix demeure sans connexion internet au sein du foyer, soit dix fois plus que les ménages les plus aisés, qui sont pratiquement tous connectés (99%). Pour que la numérisation des services publics soit une réussite, les communes doivent donc adopter une approche équilibrée.

Impliquer les groupes vulnérables
Cela implique de mettre en place ou de renforcer les programmes de formation pour améliorer les compétences numériques des citoyens, en ciblant particulièrement les groupes vulnérables. Il est également nécessaire d’assurer un accès équitable à l'équipement et à la connexion internet, en collaborant avec des partenaires publics et privés. Enfin, les interfaces utilisateur doivent être intuitives et le langage utilisé doit être simple pour rendre les services en ligne accessibles à tous. Cela peut être accompli en impliquant directement les groupes vulnérables dans le processus de conception de ces interfaces, en utilisant des méthodes de co-création.

Alors que de nombreuses communes font face à une situation budgétaire délicate, il peut être tentant de voir la numérisation comme une opportunité de réduire les effectifs. Pourtant, il est impératif de maintenir des alternatives physiques pour les services essentiels. Le contact humain, que ce soit par téléphone ou en face à face, doit rester une option viable pour ceux qui en ont besoin. La numérisation ne doit pas être synonyme de déshumanisation des services publics.

Conclusion
En conclusion, la numérisation des services publics peut être un levier puissant pour améliorer la qualité de vie des citoyens et renforcer la démocratie locale, à la condition d'éviter les pièges d'une numérisation excessive et de veiller à ce que personne ne soit laissé de côté. Les prochaines élections communales offrent une opportunité pour placer ces enjeux au centre du débat public et construire une société numérique plus efficace, mais aussi plus équitable.