Guernica

Et si le « nouveau monde » n’était pas là où on le cherche ?

Longtemps, j’ai pensé qu’il fallait que meurt l’ancien pour que naisse le nouveau. Je crois aujourd’hui que tout coexiste, et que seule grandit la part que l’on choisit de nourrir.

C’est l’histoire d’une jeune fille qui voulait changer le monde. Très vite, on lui apprend que pour faire bouger les choses, il faudra être quelqu’un d’important, et que pour devenir important, il faudra aller là où est le pouvoir. La voie est claire, le chemin tout tracé. Visiblement, elle n’est pas la seule : à ses côtés, des milliers d’autres étudient les sciences politiques, font des stages à Bruxelles ou à DC, se laissent entrainer par le flot puissant des rails qui les précèdent. Avant d’avoir le temps de se retourner, la carrière est ficelée. Ficelée de beaux fils dorés qui promettent un train de vie agréable avec la douce conscience de contribuer à l’amélioration du monde.

Mais les jours passent et la jeune fille s’éteint peu à peu. Du haut de sa tour, elle se sent terriblement éloignée de cette vie qu’elle prétend rendre meilleure pour le plus grand nombre. Est-ce pour cela qu’elle est venue sur Terre ? Compiler les recherches, accumuler les rapports, formuler des recommandations qu’elle espère révolutionnaires, mais qui s’étioleront vite face à la puissance du statuquo et des intérêts solidement ancrés de ceux qui ont le plus à perdre ?

Chemins de traverse

Un jour, c’en est trop. Le feu qui l’anime est devenu trop vif que pour rester contenu dans l’image convoitée du parcours sans faute. Alors elle plaque tout. Sort des sentiers battus pour créer un autre chemin, le sien. Caméra en main, elle part découvrir la vie, la vraie, celle qui souffre et se relève, pas celle que l’on explique dans les manuels. Elle rencontre des personnes admirables, des femmes aux quatre coins du monde qui se libèrent seules d’un destin cruel, des réfugiés arrivés en Europe et mus par un sentiment profond de gratitude et du désir de rendre l’aide reçue en chemin. Elle prend conscience du pouvoir des histoires, qui peuvent d’un seul coup faire entrevoir une autre réalité, et elle en fait son métier.

Changer de regard

Si je vous raconte cette histoire, c’est que je pense que d’autres ressentent comme moi l’urgence de construire un monde meilleur. C’est à eux que je m’adresse : ce nouveau monde n’est pas une destination lointaine, un lendemain incertain atteint à coups de batailles et d’effondrements. Ce nouveau monde, il est ici, autour de nous et en nous, illuminant la vie dans les interstices de tout ce qui s’acharne à la détruire.

Il n’est de réalité que celle à laquelle on choisit de croire. A force de ne parler que de ce qui nous accable, de leaders corrompus et de systèmes destructeurs, nous ne faisons que renforcer le pouvoir qu’ils espèrent conserver. Mais il suffit parfois de changer de regard sur une situation pour qu’elle se transforme.

Des mythes à déconstruire

Aujourd’hui, ce n’est pas tant la planète qui souffre que l’être humain. La société moderne promet la liberté, mais elle nous rend plus esclaves que jamais. Esclaves de désirs qui ne sont pas les nôtres, entrainés dans des vies que l’on n’a pas choisies. Des voies toutes tracées et joliment balisées qui nous incitent à alimenter la machine, à noyer la perte de sens dans une consommation effrénée. Chacun pour soi, tous contre tous, et que le meilleur gagne, nous susurre-t-on à l’oreille dès les bancs de l’école.

Mais à la liberté d’acheter, nous pouvons en choisir une autre : celle de dessiner sa vie. On a voulu nous faire croire que nous étions tous des homo economicus animés du seul désir de gagner et d’accumuler, mais tout dans la nature et autour de nous rappelle nos élans tout aussi naturels à s’entraider et construire ensemble.

Dans ce nouveau monde qui émerge, on ne se bat plus contre, on se bat pour : non plus contre un système obsolète qui génère encore trop de souffrances et de destructions, mais pour l’avènement d’un autre, qui favorise la joie et l’épanouissement du plus grand nombre et de toutes les espèces.

Redevenir acteurs

Picasso a dit un jour que le sens de la vie était de trouver son don, et le but de la vie de le partager. Si nous sommes venus sur Terre, c’est que chacun de nous possède en son sein un potentiel infini de création et de contribuer à la beauté du monde.

Alors, si ce n’est pour la planète ou les générations futures, du moins est-ce pour soi que cela vaut la peine de s’arrêter un instant, et de s’interroger sur la réalité à laquelle on choisit de croire, et de participer.