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Le système éducatif tarde à intégrer l'intelligence artificielle dans ses enseignements

Pour l'heure, ce sont les élèves qui intègrent l'intelligence artificielle (IA) dans leurs travaux, plutôt que le système éducatif. Les enseignants ont pourtant tout à y gagner.

En 2024, presque chaque conférence, chaque séance académique et chaque événement d'entreprise était lié à l'intelligence artificielle (IA). Ce que nous montrent ChatGPT, Google Gemini et Microsoft Copilot est impressionnant. Il n'est donc pas surprenant que nous y consacrions autant d'attention.

Cependant, cela reste souvent au stade de l'émerveillement, et la mise en œuvre tarde à suivre. Dans le secteur privé, les choses commencent à se mettre en place, mais le secteur public est à la traîne, tout comme notre système éducatif.

En 2023, environ 45% des élèves flamands utilisaient des applications d'IA comme ChatGPT pour faire leurs devoirs ou approfondir leurs connaissances. Cela montre que l'IA est de plus en plus intégrée au processus d'apprentissage, surtout par les élèves eux-mêmes. C'est là que réside le problème: ce sont les élèves qui intègrent l'IA, plutôt que le système éducatif.

Aujourd'hui, l'IA est encore cet adorable chatbot GPT, demain elle sera omniprésente. Ceux qui ne se seront pas adaptés seront laissés pour compte.

Il est donc pertinent de commencer dès maintenant à intégrer cette grande "intelligisation" de l'éducation, et il est à espérer que les nouveaux gouvernements placeront ce sujet en tête de l'agenda. La loi de Roy Amara est pertinente ici: nous avons tendance à surestimer les effets à court terme de la technologie et à sous-estimer ses impacts à long terme. Aujourd'hui, l'IA est encore cet adorable chatbot GPT, demain, elle sera omniprésente. Ceux qui ne se seront pas adaptés seront laissés pour compte.

Enseigner l'IA, mais aussi "avec" l'IA

Un système éducatif prêt pour un avenir rempli d'intelligence artificielle repose sur deux piliers: l'application de la technologie et l'examen critique de celle-ci.

Tout d'abord, il est essentiel d'enseigner aux jeunes les potentialités de l'IA. Les compétences de base en IA doivent être rapidement intégrées dans les programmes scolaires. De plus, il ne s'agit pas seulement d'augmenter leur alphabétisation numérique, mais aussi de leur apprendre à utiliser l'IA de manière concrète.

Comment rédiger les bons prompts? Comment utiliser efficacement l'IA dans la réalisation d'un projet? Quels problèmes peuvent survenir lorsqu'on veut préparer un exposé en s'aidant de l'IA? Il est important, non seulement, de comprendre ce que l'IA peut faire, mais aussi d’en expérimenter soi-même les pièges potentiels.

L'IA permettra aux professeurs de consacrer plus de temps à l'enseignement et aux interactions personnelles avec les élèves.

Deuxièmement, l’"intelligisation" de l'éducation va au-delà de l'enseignement de l'IA. Il s'agit aussi d'enseigner "avec" l'IA. L'intelligence artificielle pourrait offrir des gains d'efficacité dans de nombreuses écoles. En ces temps de pénurie aiguë d'enseignants, cela serait particulièrement bienvenu.

Ces gains se manifestent à différents niveaux. Par exemple, les plateformes d'apprentissage basées sur l'IA pourraient contribuer à un apprentissage personnalisé en adaptant le contenu pédagogique au style d'apprentissage individuel, au rythme et aux besoins de chaque élève.

En outre, l'IA peut jouer un rôle majeur dans l'automatisation des tâches répétitives, telles que la correction des devoirs, le suivi des progrès des élèves et l'organisation des plans d'études. Cela permettrait aux enseignants de consacrer plus de temps à l'enseignement et aux interactions personnelles avec les élèves.

Renforcer l'enseignant, et non pas le remplacer

Un troisième niveau est peut-être plus controversé, mais néanmoins intéressant. L'IA pourrait également analyser et reconnaître des tendances et des schémas dans les performances des élèves. Cela permettrait d'identifier les problèmes à un stade précoce, d'ajuster les programmes d'études et d'offrir aux jeunes des informations sur leur progression.

Plus le monde devient technologique, plus nous devons prêter attention à ce qui fait de nous des êtres humains.

Lorsque des données d'élèves de toute l'école, sur plusieurs années, sont collectées – anonymisées ou non – cela constitue une mine d'informations qui pourrait considérablement améliorer la qualité de l'enseignement. Pourquoi se limiter à des instantanés, comme les tests standardisés, alors que des données couvrant les parcours d'apprentissage complets de tous les élèves sont à portée de main?

Naturellement, il faut tenir compte de divers problèmes, tels que la protection de la vie privée, les biais et la sur-généralisation. Le but n’est pas de rendre les conseils de classe obsolètes, mais de fournir aux décideurs des perspectives plus éclairées. L'objectif est de renforcer l’enseignant, pas de le remplacer.

Un enseignement plus holistique

L'IA dans l'éducation n'est donc pas une fin en soi, mais un moyen d'évoluer vers une politique d’enseignement plus holistique. Une éducation qui laisse également de la place à d'autres considérations, comme des cours sur la psychologie, l'interaction sociale et la gestion des émotions, par exemple. Plus le monde devient technologique, plus nous devons prêter attention à ce qui fait de nous des êtres humains.

Celui qui a bien saisi la relation entre l'homme et la technologie est le philosophe allemand Martin Heidegger. Son œuvre sur la technologie, notamment l'essai "La Question de la Technique", propose une réflexion critique sur la manière dont la technologie déforme notre compréhension de la réalité. Heidegger affirme que la technologie tend à réduire le monde et l'humain à des instruments, alors que cela devrait être l'inverse. Celui qui refuse d'être instrumentalisé par la technologie est pourtant condamné à l’adopter, et cela vaut également pour l'éducation.