
Limiter les allocations de chômage dans le temps? Oui, mais.
La future coalition Arizona envisage de limiter dans le temps les allocations de chômage. Lowie Cnockaert et Thibault Viaene, membres du Groupe du Vendredi, soutiennent cette idée, mais avec une réserve importante.
À la fin de 2024, 287 387 personnes en Belgique bénéficient d’une allocation de chômage, soit 14 723 de plus que l’année précédente. Cela représente une augmentation de 5,4 % depuis 2023, selon les chiffres de l’ONEM. En incluant les autres formes de revenus de remplacement, le total des Belges inactifs atteint le chiffre impressionnant de 1,6 million, soit presque 14 % de la population.
La Belgique accuse un retard notable par rapport à ses voisins, qui affichent des taux d’emploi bien supérieurs : 72 % pour la Belgique, contre 81 % en Allemagne, 84 % aux Pays-Bas et 74 % en France. Cette situation pèse lourdement sur les finances publiques : un faible taux d’activité signifie moins de recettes fiscales et des dépenses sociales plus élevées.
Le système belge, une anomalie
En théorie, les allocations de chômage servent de filet temporaire, conçu pour faciliter un retour rapide sur le marché du travail. Pourtant, la Belgique se distingue comme l’un des rares pays occidentaux où ces allocations ne sont pas limitées dans le temps.
L’une des mesures phares de la “super note” de Bart De Wever propose donc de plafonner les allocations à deux ans. L’objectif ? Réaliser des économies budgétaires tout en incitant davantage de personnes à retrouver un emploi. Si les négociations de la coalition Arizona aboutissent fin janvier, cette réforme pourrait être incluse dans l’accord gouvernemental.
Cependant, bien que prometteuse sur le papier, cette réforme pourrait ne pas produire les résultats escomptés, ni en termes budgétaires, ni en matière d’activation des chômeurs.
Des vases communicants
Du point de vue financier, le Bureau fédéral du Plan estime que la mesure pourrait générer des économies pour l’État comprises entre 6 et 9 milliards d’euros. Toutefois, cette estimation ne prend pas en compte le risque que certaines personnes, privées de leur allocation, se tournent vers d’autres formes de revenus de remplacement comme le revenu d’intégration ou les indemnités d’invalidité. La véritable économie se limiterait alors à 1,5 milliard d’euros, soit seulement 6 % de l’effort budgétaire visé par la coalition Arizona.
En outre, cette réforme pourrait s’avérer inefficace pour favoriser l’activation des chômeurs. Nombre d’entre eux basculent vers d’autres types d’aides. Par ailleurs, le groupe des chômeurs est loin d’être homogène : certains, notamment les chômeurs de longue durée, font face à des obstacles structurels comme le manque de compétences ou des discriminations, qui ne peuvent être surmontés par de simples incitations financières.
Une dégressivité renforcée
Plafonner la durée des allocations est insuffisant. Une solution complémentaire pourrait être une dégressivité plus rapide et marquée, comme le proposait la coalition Michel I dans son « deal pour l’emploi ». Ce modèle débuterait par une allocation élevée pour assurer une stabilité financière, avant de diminuer progressivement. L’objectif est de créer une forte incitation à rechercher un emploi rapidement.
Cependant, les études montrent que cette approche a des limites. Plus la période de chômage s’allonge, moins les incitants financiers sont efficaces. En outre, une dégressivité rapide peut inciter certains chômeurs à attendre des opportunités qu’ils jugent plus favorables, allongeant ainsi leur période d’inactivité.
Cependant, les études montrent que cette approche n’a pas l’effet escompté sur l’activation. Plus la période de chômage s’allonge, moins les incitants financiers sont efficaces. Les employeurs privilégient les candidats restés au chômage pendant une période plus courte, car la longue durée de chômage est perçue comme un signe de moindre motivation, compétence ou productivité. En outre, une dégressivité rapide peut prolonger les périodes de chômage, les chômeurs étant incités à attendre des opportunités plus favorables. Enfin, cette mesure ne résout pas la problématique des vases communicants.
Réduire l’allocation initiale: une thérapie de choc
Une alternative audacieuse, proposée par des économistes belges, serait d’introduire une allocation initiale faible pour provoquer un choc incitatif. Ce modèle encouragerait les demandeurs d’emploi à accepter rapidement des offres et à élargir leurs recherches, tant en termes de type d’emploi que de localisation géographique. En contrepartie, une allocation plus élevée pourrait être prévue pour les demandeurs actifs qui démontrent des efforts constants.
Pour que cette approche fonctionne, plusieurs conditions strictes sont nécessaires : seuls les demandeurs actifs, acceptant les offres proposées, pourraient bénéficier d’une allocation accrue. Ce modèle doit également inclure une limitation dans le temps pour éviter un allongement excessif des périodes de chômage. Une combinaison équilibrée d’incitations positives et de sanctions limiterait les abus tout en garantissant un filet de sécurité pour les personnes qui, malgré leurs efforts, ne trouvent pas d’emploi.
Arizona, êtes-vous à l’écoute ?