2017 11 03 mumbai aan de noordzee

Mettons le diesel à la poubelle

Sam Proesmans (médecin), Michiel De Muynck (juriste) et Naïm Cordemans (économiste) sont membres du groupe du Vendredi.

Les combustibles fossiles détruisent notre planète, mais également notre corps. La semaine dernière, The Lancet – un des magazines médicaux les plus réputés – a publié un rapport sans précédent, selon lequel pas moins de 1 décès sur 6 dans le monde serait dû à la pollution (de l’air). Pour la Belgique, cela représente quelque 13.000 décès par an. Parmi les substances les plus cancérigènes classées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), figure en bonne place le diesel.

Bien que leur plus grande efficacité soit discutée, les moteurs diesel rejettent comparativement moins de CO2 dans l’atmosphère que les moteurs à essence. Le CO2 est un gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique, cependant il n’est pas nocif pour l’homme.

La combustion du diesel, et surtout l’oxyde de carbone et les particules (ultra) fines qu’elle dégage, en revanche, attaque quotidiennement notre santé. Insidieusement, elle provoque – entre autres – le cancer des poumons, le cancer de la vessie, la leucémie, le manque de poids à la naissance, l’asthme, le ralentissement du développement des poumons chez l’enfant ou encore des affections respiratoires et cardio-vasculaires.

Les particules fines à elles seules coûtent 13 mois de vie à chaque Belge (!), et une baisse de la qualité de vie durant de nombreuses années. Bien que difficile à estimer, l’impact économique de la pollution de l’air est également considérable : des études ont démontré qu’en 2010 celui-ci s’élevait à plus de 20 milliards d’euros, soit près de 5 % du PIB belge[1]. La pollution de l’air pèse directement sur notre système de santé et de sécurité sociale, mais aussi sur notre état d’esprit, notre productivité au travail et nos activités.

Et pourtant, la carte rouge – clairement méritée – se fait attendre. Les moteurs diesel rejettent en moyenne 5 fois plus d’oxyde de carbone et jusque 50 fois plus de particules fines que les moteurs à essence (des chiffres longtemps sous-estimés en raison d’une fraude sournoise, vous savez, l’affaire Dieselgate qui a été peu ou prou étouffée), mais nos autorités continuent malgré tout de favoriser fiscalement le diesel par rapport à l’essence, par exemple par le biais d’accises réduites. Résultat : le diesel, pourtant plus cher à raffiner, revient moins cher à la pompe. Le régime appliqué aux voitures de société, dont l’avantage fiscal se fonde notamment sur les émissions officielles de CO2 des véhicules, est par ailleurs également favorable aux moteurs diesel. En conséquence, de nombreuses entreprises proposent exclusivement des voitures diesel à leurs employés.

Et cela se répercute sur les ventes de voitures : en dépit d’un chiffre en diminution ces dernières années, au premier semestre de 2017 46,5 % des nouvelles immatriculations étaient des diesels. En la matière, la Belgique caracole toujours en tête du peloton européen, avec pas moins de 4 fois plus de voitures au diesel que dans des pays comme le Portugal ou la République tchèque. La décision d’accroître les accises sur le diesel pour les porter au même niveau que celles sur l’essence à la fin de 2018 va dans la bonne direction mais semble très clairement insuffisante.

Dans certaines de nos grandes villes, la qualité de l’air s’approche de celle de Bombay ou de Pékin. La concentration en particules fines à Bruxelles est par exemple 80% supérieure à ce que recommande l’OMS et ce n’est pas la décision d’établir une zone de basse émission début 2018 qui va changer la donne. Anvers n’est pas en reste. En dépit d’une procédure d’infraction aux règles européennes introduite par la Commission européenne auprès de la Belgique, en raison de sa politique déplorable en matière de particules fines, les lignes ont peu bougé. Au contraire, les autorités se félicitent de satisfaire aux normes européennes pour un certain nombre de substances. On a vite fait d’oublier que les normes européennes sont souvent bien supérieures aux normes prescrites par l’OMS. Pire encore, de plus en plus d’études démontrent qu’il n’existerait pas de norme ou de seuil « sûr ».

Certains pays européens ont pris les devants et décidé d’interdire à terme tous les véhicules roulant aux combustibles fossiles. La Norvège, par exemple, entend y parvenir d’ici 2025. Le Royaume-Uni et la France ont quant à eux fixé cet objectif pour 2040. À l’instar de ces pays, la Belgique ferait bien de s’engager fermement dans cette voie.

Dans l’immédiat cependant, le statuquo n’est pas acceptable. Au regard du droit à la protection de la santé et d’un milieu de vie sain, il est légitime d’attendre une politique fiscale et de mobilité qui tienne véritablement compte de la grande nocivité du diesel. Cela passe par un relèvement plus prononcé des accises sur le diesel et une interdiction pure et simple à moyen terme. Sous prétexte de sa moindre contribution aux gaz à effet de serre, et poussé dans le dos par les industriels allemands et français, le diesel a trop longtemps prospéré, au mépris des citoyens. Il est grand temps que la santé reprenne le dessus.