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L’antigone catalan et l’antidote européen

Dans son récent livre, le citoyen bruxellois - ‘malgré lui’ - Carles Puigdemont, mais avant tout ancien ‘President’ Catalan, défend l’idée selon laquelle l’indépendance catalane serait une opportunité pour l’Europe. Est-ce si simple?

Le blocage actuel

S’il faut respecter le principe de non ingérence dans les affaires intérieures, force est de constater que les perspectives d’accord entre la Catalogne et le pouvoir central Espagnol sont inexistantes. L’arrivée des socialistes au Gouvernement, en lieu et place du parti populaire et de Mariano Rajoy, a certes laissé entrevoir une amélioration dans la relation. Mais aucune avancée concrète n’a été enregistrée.

Menaçant il y a peu quelques jours de retirer leur soutien au Gouvernement Sanchez en cas de non-organisation d’un référendum d'autodétermination, les indépendantistes Catalans viennent d’ailleurs de rehausser la pression sur Madrid. De nouvelles élections ne sont pas à exclure. Les chances de voir les acteurs politiques se mettre d’accord sur un agenda de négociation sont proches de zéro. Alors que fait-on?

Antigone face à Créon

Affirmer que la démocratie, et l’Europe, sortiraient gagnants, en prenant fait et cause pour la cause indépendantiste catalane est néanmoins erroné. Car des dizaines de millions d’Espagnols auront alors justement le sentiment inverse, celui d’une démocratie qui n’est plus légitime.

La démocratie repose sur l’Etat de droit, l’alternance politique et la liberté de la presse. Or les indépendantistes n’ont pas respecté l’Etat de droit espagnol, qu’ils considèrent comme ‘illégitime’ sur base de nombreux griefs, qui sont politiques. Ils revendiquent un droit à l’autodétermination, qui n’est pas accepté au sein de l’Union Européenne. La voie juridique ne leur offre par conséquent que peu d’espoir. Tel Créon face à Antigone, l’Etat Espagnol dispose de la force de la loi, ce qui lui a permis, légalement, d’emprisonner certains leaders Catalans. Inutile de dire que cela a été perçu en Catalogne comme un acte anti démocratique et d’une terrible violence.

Face à Madrid, une majorité de Catalans considèrent leur cause comme juste, légitime, comme Antigone lorsqu’elle a fait front à Créon. C’est amplement suffisant pour mobiliser des millions de personnes dans les rues de Catalogne. Leurs arguments sont donc plutôt du ressort d’un droit légitime ou naturel à se voir reconnaître davantage d’autonomie (un ‘Estatut’). Les Catalans souhaitent logiquement bénéficier d’un plus grand respect du pouvoir central qui, depuis de nombreuses années, ignore leurs revendications et sous-estime la montée en puissance d’une frustration au sein de la population.

Une médiation européenne?

Pendant que la société Catalane et Espagnole continuent de se fissurer autour de cette question, force est de constater qu’on en parle beaucoup, mais qu’aucune avancée concrète ne voit le jour.

D’où cette question opportune: le moment n’est il pas venu pour l’Europe de faire preuve de leadership? Quitte à sortir de son rôle attentiste et légaliste qui laisse les deux parties en ‘stand-by’ depuis des années? L’intérêt d’une telle initiative inédite est clair: repositionner l’Europe comme une force politique, capable de générer des compromis faisant avancer l’Europe vers davantage d’unité, dans le respect de la diversité des cultures et langues de l’Union. Pourquoi ne pas envoyer une délégation de quelques personnes, désignées par les deux camps, qui joueraient un rôle de médiation? Ces acteurs pourraient alors définir un calendrier devant aboutir à mettre rapidement les parties autour de la table pour dégager un compromis, en toute discrétion.

Cela peut sembler naïf, mais ni la légalité invoquée par Madrid, ni l’obstination des indépendantistes ou encore l’attentisme de l’Europe ne font bouger les lignes. Bien d’autres défis, plus menaçants, nécessitent aujourd’hui l’énergie du monde politique.

Egalement paru dans L’Echo du 12 octobre 2018.