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Face aux enjeux climatiques, le service minimum ne passera pas

Au cours de la législature écoulée, le gouvernement fédéral a montré son profond attachement au " service minimum ", dans les prisons et à la SNCB. Faut-il souligner que face aux enjeux climatique et environnementaux les citoyens ne se satisferont pas du service minimum ?

Il y a De Wever et De Wever. Le premier est président du premier parti du pays, et vient de célébrer la nouvelle année en remettant sur la table les couverts institutionnels susceptibles de vider la Belgique de sa substance. La deuxième est une jeune activiste à l’origine des manifestations étudiantes en faveur du climat qui se sont déroulées les jeudis depuis le 10 janvier dernier. Parti de Flandre, le mouvement a rapidement rallié toutes les régions avec un seul mot d’ordre: "l’avenir passe par la préservation de la planète".

Le décalage entre les discours des deux De Wever témoigne du fossé qui s’est creusé entre les priorités des dirigeants et les aspirations des citoyens.

Poussiéreuse devise

Les récentes marches des jeunes belges pour le climat offrent une merveilleuse cure de jouvence à notre poussiéreuse devise. Les gaz à effet de serre et la pollution ne s’arrêtent pas aux frontières régionales et, plus que jamais, il nous faut unir nos forces. Le discours confédéraliste de papa est inaudible devant l’ampleur des défis qui nous font face. Apprenant que nos 4 ministres de l’environnement s’étaient rendus à la conférence de Katowice sur le changement climatique, je n’étais pas fier d’être belge. Sans même parler de la position arrêtée.

Les défis écologiques n’ont pas davantage de frontières nationales. Aussi polluante soit-elle par tête de pipe et indépendamment de ses efforts, la petite Belgique ne pourra évidemment à elle seule enrayer le processus bien engagé du réchauffement climatique. Pays riche et industriel de la première heure, elle se doit toutefois d’assumer ses responsabilités.

Au-delà des enjeux globaux, une attention accrue portée à la protection des écosystèmes, à la qualité de la production agricole et à la qualité de l’air bénéficie par ailleurs directement à la population.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer les bénéfices du capital de sympathie qui s’est dégagé des manifestations de ces dernières semaines. Nos jeunes ont été filmés en héros par les médias du monde entier et, jeudi dernier, j’étais fier d’être belge.

Refonte du système

Le progrès technique seul ne nous permettra pas de sortir de l’ornière: les avancées des technologies "propres" sont limitées et les gains réalisés courent le risque d’être réinvestis aux dépens des bénéfices environnementaux initiaux.

On ne peut en outre compter sur la détermination quotidienne de ceux et celles qui le veulent ou le peuvent, ni accentuer sans cesse la responsabilisation écologique individuelle pour faire évoluer les modes de vie.

Ce n’est plus un secret pour personne: la crise environnementale appelle à une refonte du système dans son ensemble. Nos modes de production, de consommation et de déplacement doivent être profondément revus et corrigés pour s’enraciner dans une nouvelle logique où la préservation de l’environnement arrive en tête des priorités.

Dans cette optique, le paradigme de la croissance économique quantitative doit faire place à un nouveau modèle de développement sociétal centré sur le bien-être durable et l’inclusion. Il faut être lucide: les choix seront délicats, les concessions larges et les arbitrages difficiles.

La bonne nouvelle est que nous sommes collectivement riches, et que nous pouvons nous offrir le luxe d’une société plus qualitative et respectueuse de Dame Nature.

La richesse produite chaque année en Belgique dépasse les 400 milliards d’euros — 35.000 euros par habitant -, et le patrimoine financier net des ménages dépassait les 1.050 milliards d’euros début 2018.

Nous pouvons nous permettre de financer un réseau de transports en commun plus étendu, sûr, fiable, rapide et confortable. Nous avons aussi les moyens de produire sans pesticide et donc de consommer des fruits et légumes plus sains, d’investir dans un maillage de pistes cyclables au sein de nos villes ou encore d’encourager vertement la production d’énergies renouvelables.

L’autre bonne nouvelle est que certaines solutions sont déjà à portée de main, ou plutôt, de décision politique. Pensons par exemple à la suppression du régime des voitures de société, à l’imposition d’une TVA sur les voyages aériens ou encore à l’interdiction des emballages plastiques et des intrants chimiques dans l’agriculture industrielle.

Minuit moins une

Bien que diverses mesures pourraient voir le jour à court ou moyen terme, d’autres malheureusement vont demander des mois, voire des années pour se réaliser.

C’est le cas en particulier du développement des infrastructures de transport et des sources d’énergie alternative. Par ailleurs, un plan national d’ensemble, cohérent et qui mobilise toutes les forces vives s’impose. Il en va du succès de la transition et de la répartition équitable de sa charge. Produire et mettre en œuvre un tel plan ne se fera pas en un jour. Il est minuit moins une et la tâche est immense, alors mieux vaut s’y atteler tout de go.

Aujourd’hui la génération verte est dans la rue. Demain elle se rendra aux urnes et il y a fort à parier que les dirigeants qui rechignent à sauver la planète ne sauveront pas non plus leur peau.

Au cours de la législature écoulée, le gouvernement fédéral a montré son profond attachement au "service minimum", dans les prisons et à la SNCB. Faut-il souligner que face aux enjeux climatique et environnementaux les citoyens ne se satisferont pas du service minimum?