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La nécessaire exemplarité des élites

Thomas Dermine est économiste et membre du groupe du vendredi. Egalement paru dans L’Echo du 14 août 2017.

Ronaldo et la Liga espagnole ne sont pas des cas isolés. Rien que sur les derniers mois, entre les politiciens qui "oublient" de déclarer une partie de leurs revenus et les individus épinglés dans les Panama Papers, ce sont l’ensemble des élites qu’elles soient sportives, économiques ou politiques qui s’offrent à la vindicte populaire en raison d’un comportement fiscal au mieux éthiquement questionnable et au pire juridiquement condamnable.

Une récente étude académique de Gabriel Zucman de l’université de Berkeley ("Tax Evasion and Inequality") publiée en mai 2017 et relayée par The Economist tente de répondre précisément à cette question: l’élite et les super-riches fraudent-ils plus que les autres? L’étude se base sur des chiffres de Scandinavie qui ne sont pourtant pas franchement réputés pour être des champions de la fraude fiscale. Pourtant, la réponse que l’étude apporte est non-équivoque. Pour l’ensemble de la population, le pourcentage d’impôt éludé est inférieur à 5%, même pour les riches (top-10%) et les très riches (top-5%). Par contre, pour les super-riches (top-1%), le pourcentage d’impôt éludé atteint près de 20% et plus de 30% pour les ultra riches (top un pour mille).

Ronaldo et ses copains footballeurs sont donc effectivement loin d’être les seuls dans le petit rectangle des super-riches fraudeurs. Comme si réussir ou avoir un capital important donnait le droit de s’abstraire au principe de progressivité de l’impôt et à la nécessité de contribuer aux besoins de la collectivité en proportion de ses moyens.

Justice fiscale et stabilité socialeMettre en avant ce phénomène n’est pas seulement important dans une perspective de justice fiscale mais aussi dans une perspective de stabilité sociale. On explique souvent le vote pour Donald Trump aux Etats-Unis, pour Maduro au Venezuela ou pour le camarade Raoul plus près de chez nous, comme un vote de rejet des élites. Et c’est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de les excuser nos élites même s’il appartient aussi à nos hommes politiques de maximiser l’utilité publique de chaque euro d’impôt perçu.

La vertu réside dans l’exemplarité. Et les élites ont plus que d’autres ce rôle d’exemplarité par la place particulièrement visible qu’elles occupent dans la société. Une société dont les élites ne se comportent pas de façon exemplaire s’expose à un délitement généralisé de la norme. Ainsi, à chaque joueur de foot qui fraude le fisc, à chaque CEO qui abuse des faiblesses de la fiscalité internationale, à chaque grande fortune qui se retrouve dans les Panama Papers, à chaque politicien qui ne se montre pas irréprochable, c’est notre contrat social qui s’effrite un peu plus…