Margot van fleteren

Comment garantir un accès mondial à l’insuline ?

Margot Vanfleteren est étudiante, entrepreneuse, et membre du Groupe du Vendredi. Elle écrit en son nom propre. Cet article est également paru dans L’Echo du 23 juin 2017.

Devoir marcher deux jours pour une injection vitale d’insuline. En Syrie, cela veut dire risquer sa vie pour rester en vie. Le site internet de T1 international présente des témoignages poignants de personnes souffrant de diabète dans des zones de conflit. Dans un récent article, Health Action International dévoile que 1 personne atteinte de diabète sur 2 n’a pas accès aux médicaments vitaux. Il est donc temps d’agir.

La ministre M. De Block a conclu un « Pacte d’avenir » avec l’industrie pharmaceutique. Le Pacte d’avenir doit veiller à ce que la plupart des traitements soient relativement abordables et à ce que l’industrie reçoive une bouffée d’oxygène pour continuer à innover, en Belgique. L’objectif général est d’amener plus rapidement des traitements innovants vers le patient, et de faire baisser les factures.

Toutefois, se focaliser sur la Belgique – même si le Pacte d’avenir remplit parfaitement son rôle – ne résout pas le problème. La Belgique étant l’un des leaders mondiaux dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, elle devrait jouer un rôle encore plus progressiste sur la scène internationale. Nous faisons partie d’un marché mondialisé. Certes, la Belgique joue un rôle important sur la scène internationale en matière d’accès à des traitements. Pensez par exemple à la collaboration avec les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Autriche où la Belgique négocie en bloc avec des entreprises pharmaceutiques pour augmenter l’accès à et diminuer les prix de médicaments innovants - une première mondiale. Mais ce faisant, nous oublions encore trop souvent de nous préoccuper des patients dans les pays en voie de développement, ou ceux où la sécurité sociale ne garantit pas le remboursement de médicaments tels que l’insuline.

Prenez les médicaments biosimilaires par exemple, ces presque copies meilleures marchés de médicaments biologiques originaux. Ils satisfont aux mêmes normes de sécurité et sont tout aussi efficaces. Un récent rapport de Health Action International nous apprend que ceux-ci constituent une possible solution pour garantir un accès mondial à l’insuline. À une condition toutefois, et pas des moindres : il faudrait que ces médicaments biosimilaires soient produits par un nouveau producteur, car le marché actuel n’est dominé que par 3 acteurs. Augmenter la concurrence ferait baisser les prix, affirme le rapport. Cela permettra que l’insuline devienne plus abordable et donc plus accessible, tant pour le patient que pour la sécurité sociale.

Les décideurs politiques actuels veulent encourager l’utilisation de médicaments biosimilaires, grâce à des mesures qui augmentent la demande de ce type de produits. Au moyen de quota, par exemple, comme nous l’avons fait pour les médicaments génériques.

Une autre solution possible serait la mise en place d’un subside pour un partenariat académique entre les médecins, les étudiants en sciences biomédicales/pharmaceutiques et le personnel académique, afin que ceux-ci travaillent ensemble au développement d’une insuline biosimilaire à action immédiate, pour casser le monopole des producteurs actuels. Pour ce subside, les firmes pharmaceutiques devraient renoncer à 5 % de leur marge de profit actuelle, mais elles la récupéreraient sur chaque vente d’unité d’insuline biosimilaire. Cette solution offre 5 avantages. En premier lieu, le partenariat académique vendra l’insuline sur le marché en tant qu’acteur indépendant, ce qui augmentera la concurrence et fera baisser les prix. La Belgique est l’un des marchés les plus réglementés. En implantant la réglementation et le développement en Belgique, le produit final sera accepté sur la plupart des marchés – la plupart des marchés étant en effet moins réglementés que ceux d’Europe. Les prestataires de soins hésitent souvent à prescrire les médicaments biosimilaires en raison d’un manque d’information. Inclure les médecins dans le développement du produit, permettra de mettre à leur disposition la plupart des informations et de diminuer, très probablement, l’impact de ce biais cognitif. Sur le marché mondial, il n’existe pas encore d’insuline biosimilaire à action immédiate, créer une offre est donc nécessaire. En remboursant la taxe de 5 % à la firme pharmaceutique, on encourage le développement et la répartition. Par ailleurs, en incluant également les étudiants, nous mettons ceux-ci en contact avec l’industrie pharmaceutique, un avantage pour leurs futurs entretiens d’embauche. La sécurité d’emploi de ces cursus est ainsi renforcée et l’on s’attaque à l’un des plus grands défis de la politique sanitaire : garantir l’accessibilité financière.

À l’instar de toute firme pharmaceutique, je pense qu’un pays se doit d’assumer ses responsabilités sociales. On ne guérit pas encore du diabète. Garantir l’accès à ces traitements qui peuvent sauver des vies est le devoir de tout décideur politique. Dans un marché mondialisé, cela signifie aussi assumer ses responsabilités vis-à-vis des pays moins développés, car l’accès aux soins est en effet un droit humain universel.